« Silence please » - rencontre à la bibliothèque
feat. Mackenzie & Riley
J'ai souvent laissé penser aux autres enfants que la bibliothèque était un endroit que je détestais. Mais ça c'était avant, quand j'avais douze ans.
Aujourd'hui, j'imagine que c'est le troisième endroit que je fréquente le plus, après les salles de cours et, bien entendu, le skate park. J'avais pris pour habitude de m'y rendre le lundi après-midi entre mon cours de civilisation hispanique et de grammaire française. J'enrichissais le cours passé et prenais de l'avance sur le suivant. Toujours assise à la même table, écrivant avec le même stylo et écoutant de la musique avec le même gros casque sur les oreilles.
Il était loin de faire mauvais aujourd'hui et j'avais, à dire vrai, la tête plus ailleurs que dans mes bouquins. J'imaginais, avec la mini-planche que j'avais toujours dans ma trousse, de nouvelles figures que je pourrais être en train de tester à ce moment même dans LA. Josh m’appellerais sans doute pour me hurler que mon père n'a pas intérêt à me voir rider au lieu d'être à la bibliothèque et qu'il ne me couvrirait plus jamais dans mes délires dangereux au bord de la voie publique, même si son tendre amour pour moi de dix-neuf ans d'âge reprendrait le dessus la prochaine fois.
J'étais donc physiquement à la bibliothèque et mentalement au skate park, scrutant autours de moi les autres élèves aspirés par leurs bouquins. On pouvait aussi apercevoir quelques professeurs venus complétés eux aussi leurs cours de citations philosophiques ou historiques.
Je remarquais un visage familier, de ceux que l'on croise tous les jours sans pour autant pouvoir mettre un nom ou une histoire dessus. Ces visages qui, bizarrement, font partis de notre quotidien et ont une très grande importance. Dans ma mémoire, je cherchais d'où pouvait bien me venir cette sensation familière. Je n'imaginais pas voir ce genre de personnage skater dans LA, il était loin d'avoir la carrure et le style des personnes que je côtoyais depuis mon enfance. Il était alors un universitaire, un étudiant fréquentant les deux seuls endroits que je fréquentais : l'étage des Langues et la bibliothèque.
A force de fixer le semi-inconnu, je ne remarquais pas que mon regard était insistant, à la limite du sérial-killer.