L’eau chaude de la douche qui se déversait en large flot continu sur lui, n’avait de cesse de lui rappeler les anciennes heures de plongées en Australie. Autour de la barrière de corail, la plus grande de la planète, visible depuis l’espace, là où il avait passé une grande partie de ces deux ans. Avec respect et humilité il avait prélevé des échantillons d’espèces souvent encore inconnues pour trouver des remèdes inédits. Flottant dans cette immensité marine, le français c’était senti bien. Ainsi sous la douche souvent il se mettait automatiquement en apnée essayant de reproduire de manière vaine la sensation d’être sous l’océan.
Pourtant il n’était que 4 heures du matin. La journée et la nuit passées avaient été extrêmement riches en émotions. En effet, il avait reçu un appel durant la fin d’après-midi, de la part de ses collègues australiens qui devaient lui annoncer une découverte capitale. Une visioconférence Skype plus tard, l’homme ne tenait plus en place. Ils venaient de lui déclarer que grâce à ses recherches ils avaient mis au point un vaccin théorique contre la dégénérescence neuronale. Cette avancée majeure avait des applications sur toutes les maladies touchant le cerveau et notamment la maladie d’Alzheimer. C’était Abel qui, avant son départ pour L.A, avait réussi à synthétiser une anémone vivant sur la barrière de corail qui avait la capacité de se régénérer. En l’associant à d’autres formules il avait théorisé une médicamentation mais il en était resté là. Et là, ses collègues qui avaient repris le flambeau avaient fini par caler la formule définitive du vaccin. Toute la nuit Abel avait travaillé avec eux via la visioconférence, en laboratoire afin d’effectuer les tous premiers tests virtuels.
L’excitation ne l’avait pas quitté depuis, et ce ne fut que lorsqu’on frappa à la porte du laboratoire qu’il se rendit compte de l’heure. Ayant bien avancé, il s’était permis de rentrer chez lui prendre une douche et manger quelque chose. La faim revint bien vite sur le tapis et il engloutit presque la moitié de ses provisions. Il ne prit pas la peine de dormir un peu. De toute façon il n’y arriverait pas. Abel se sentait tout proche de cette révélation médicale qui pouvait bouleverser la face du monde. L’adrénaline fusa dans ses veines tandis qu’il y pensait. C’était un remède qui sauverait et améliorerait le quotidien de millions de personnes à travers le monde. Le seul mérite qu’il en tirerait serait celui-là. Voir des gens revivre et survivre à des maladies que l’on pensait incurable. C’était à ça qu’il avait voué sa vie.
Il était donc retourné à l’hôpital et avait foncé dans son laboratoire pour continuer les tests et travailler sur les synthétisations et les formules. Abel avait demandé qu’on ne le dérange sous aucun prétexte. Même si c’était le chef de l’état ou le Pape ! Il ne pouvait pas passer à côté de cette découverte. Pour le bien de tous.
Enfin d’après-midi, les yeux commençaient à le picoter mais il étudiait sous microscope l’échantillon parvenu enfin jusqu’à lui. Lorsqu’on frappa à la porte. La personne n’attendit pas sa réponse et entra. Une femme d’âge mur à allure austère pénétra dans la salle. Elle portait un chignon que se cheveux grisonnants faisaient ressembler à une boule de fer. Elle portait la blouse des chirurgiens et semblait avoir les traits tirés. Abel releva la tête, étonné.
« J’avais dis qu’on ne me…. Angeline ? » lança t-il surpris de la voir ici.
« Fox, je sais que tu es sur le point de finaliser ta potion mais je crois que tu devrais venir avec moi. On vient de recevoir un AC. Il avait ta carte dans ses affaires. J’ai pensé que tu le connaissais. Il s’appelle … » Elle sortit un portefeuille dans sa grande poche blanche. Abel écarquilla les yeux qui se mirent à trembler. Comme ses mains. Comme son corps. Comme son âme. Un AC, une abréviation dans l’hôpital qui signifiait tout simplement arrêt cardiaque. Et il savait de qui il s’agissait.
Abel ne prit pas la peine de l’écouter ni de lui donner une explication. Il n’était déjà plus là.