what's going on? ft. caïn.

WHAT'S GOING ON?

Je raccrochais mon téléphone portable. Je restais plusieurs minutes à regarder l'objet, le regard dans le vide. Ça me laissait perplexe... Ça m'inquiétait... Que s'était-il passé pour qu'il ait autant besoin de moi? Ce n'était pas autant lui, en réalité, mais James... Ça concernait le fils de James? Je n'en avais aucune idée. Je terminais de ranger l'arrière de la boutique alors qu'une cliente était entrée à l'intérieur. Je me précipitais vers elle, replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille et lui signalais que la boutique était fermée pour raison personnelle. Je lui donnais un ticket pour qu'elle puisse revenir le lendemain sans qu'elle n'ait à payer son bouquet de fleur. Très gentiment, elle m'avait remercié et avait quitté la boutique sans broncher. J'étais bien contente et soulagée. Je regardais autour de moi. Je nourrissais les plantes avant de fermer la boutique.

J'avais dit à Cain que ma voiture avait été en panne, histoire de lancer une petite blague qui n'était fraîchement pas très hilarante. Il pourrait me traiter de petite menteuse puisque j'étais, actuellement, à bord de mon véhicule en direction de son appartement. Nous étions voisins et nous étions devenus proches depuis quelques années maintenant. Il m'avait sorti d'un homme un peu trop collant et pour le remercier, je lui avais confectionné un bon gros gâteau au chocolat, mon pêché mignon. Sur la route, je tapotais nerveusement le volant, attendant que le feu rouge daigne passer au vert. Je ne faisais guère attention aux klaxons qui sonnaient derrière moi. J'essayais de trouver ce qu'il pouvait bien se passer et rien ne me venait. Ça avait le don de m'agacer. Finalement, je sortais de ma torpeur et m'excusais avec un signe de la main auprès des autres conducteurs, reprenant la route.

Je montais rapidement les escaliers. Je saluais vite fait la concierge et continuais la montée des marches avant de m'arrêter. Du calme. Ça ne servait à rien de se précipiter à ce point. Je respirais profondément afin de pouvoir reprendre mon calme légendaire, ou presque et je toquais à la porte de Cain. Nerveusement, mon pied tapait sur le parquet du couloir... Il ouvrait la porte. « Hey. Ne passe pas par quatre chemins, d'accord? » Disais-je en lui adressant un sourire et en lui faisant la bise.

WHAT'S GOING ON?

Depuis que James m’avait appelé pour me dire qu’il avait eu un accident de voiture et qu’il avait finit à l’hôpital, je n’avais pas la conscience tranquille. Par chance, il ne lui était rien arrivé de grave, pas à lui… mais le fait que sa femme ait perdu la mémoire dans l’histoire le travaillait et je me retrouvais dans la position du pote qui ne savait pas exactement quelle était la meilleure réaction à adopter. Je l’avais rarement vu dans un état de peur et de stress pareil, même lorsque ça concernait son fils Yannick, ce qui m’alarmait…. mais voila, malgré toute ma bonne volonté et les efforts que j’avais fournis pour le soutenir, j’avais le sentiment de ne pas être en mesure d’en faire assez quand même, ce qui me frustrait. Dans ces moments-là, heureusement, j’avais toujours un joker dans la manche de ma veste et il s’appelait Kerry. Nous nous connaissions depuis bien des années et elle était l’une des seules personnes à qui je parlais ouvertement de mes problèmes ou de mes hésitations lorsque je jugeais qu’elle était en mesure de m’aider. Jamais ne m’étais-je cependant exprimé lorsque je savais que mes soucis ne pouvaient pas être réglés par d’autres que moi-même, pour la simple raison que je ne voulais pas les mettre mal à l’aise en les impliquant dans mes impasses, mais parfois, je me disais qu’un ou deux avis extérieurs au mien pouvaient me faire du bien. Bref. Aujourd’hui, le souci était James. Je n’étais pas même pas sûr que mon amie était au courant de ce qui lui était arrivé, il faudrait donc commencer par-là.

Après avoir contacté la fleuriste qui m’annonça qu’elle allait rentrer au plus vite (j’oubliais parfois à quel point elle réagissait au quart de tour lorsqu’on lui disait qu’il y avait un souci), je me suis levé de mon fauteuil et ai cherché un moyen de m’occuper en attendant son arrivée.

Vingt minutes plus tard, quelqu’un toqua a la porte et je m’empressais d’aller ouvrir pour accueillir Kerry en l’embrassant rapidement sur la joue, avant de la laisser entrer dans l’appartement et s’installer comme à son habitude sur le canapé du salon. « Il t’a mit au courant de ce qui lui est arrivé l’autre jour ? » Mon regard bleu l’observa un instant et je compris rapidement que je lui apprenais quelque chose de nouveau. Un soupir m’échappa et je me passais une main sur le visage « L’a eu un accident de bagnole avec sa femme… il m’a appelé depuis l’hôpital dans la soirée d’avant-hier… - tu veux un truc à boire ? - ».

WHAT'S GOING ON?

Se soucier des autres était vraiment l'une de mes qualités principales. Je n'étais pas du genre à laisser quelqu'un dans le soucis. Toujours prête à aider et à essayer d'apporter des conseils pour régler un quelconque problème. Au début, j'avais littéralement pensé que Caïn avait eu un énorme soucis et dans la précipitation je n'avais pas capté qu'il s'agissait de James. J'avais mit plusieurs minutes avant de lui répondre. J'étais un peu sous le choc. Tout ce qui avait attrait à Caïn, c'était alarmant alors s'il venait à me dire que c'était avec James, vous compreniez mon sentiment. Je me suis toujours sentie... C'est vrai, je l'aimais... Je pensais même que j'étais tombée amoureuse de lui. De toutes mes forces, j'ai essayé de ne pas l'être. Il restait un homme marié et si j'avais été à la place de sa femme, clairement, je n'apprécierais aucunement que mon mari me trompe avec une autre femme. Découvrir le visage de Caïn me soulageait. Je m'étais même dit qu'il n'y avait rien de grave. Je me disais qu'il souhaitait organiser une petite fête pour James et que le souci était un problème de décoration. J'aimais bien me faire des films de temps à autre. Je m'installais sur la canapé du salon et le regardais, attendant patiemment une réponse de sa part.

Je fronçais les sourcils. Je n'étais absolument pas au courant. Je ne quittais pas le regard du jeune homme. J'étais convaincue qu'il y avait eu quelque chose de grave et il confirmait bien ma pensée. Je baissais les yeux. Je m'adossais contre le dossier du canapé et je ne disais rien. D'ailleurs, depuis que j'étais entrée dans son appartement, je n'avais rien dit. « Pour le coup, je voudrais bien une boisson gazeuse, n'importe laquelle. » Je raclais ma gorge. Je ne savais plus quoi dire. J'aurai pu m'emporter, lui demander ce qu'il avait, s'il n'avait rien de grave, s'il était toujours à l'hôpital mais rien du tout. Je finissais par sortir de mon silence. « Qu'est-ce qui s'est passé? Il te l'a expliqué? » Je restais calme. Une force légendaire m'était habitée. Bien entendu, j'étais inquiète et je n'avais aucune envie de le montrer aussi librement, même si c'était devant Caïn. Lui aussi, ça le touchait, c'était absolument normal. « Tu ne m'as pas envoyé de texto pour rien. Si James a su t'appeler, c'est qu'il va bien. » Je tentais de me rassurer moi-même. « Il a du se passer quelque chose de grave... Il s'agit de sa femme? »

WHAT'S GOING ON?

Je me dirigeais vers la cuisine pour sortir une bouteille de Fanta du frigo ainsi que deux verres d’un placard, puis revenais vers mon hôte avant de lui servir sa boisson. La réaction de Kerry me confirma que James ne l’avait pas informée de son incident et sur le coup, cela me poussa à me demander si j’avais eu raison de lui en parler moi-même. Peut-être voulait-il garder ça privé ? Non, ce serait absurde. Ils étaient aussi amis, c’était normal qu’elle soit mise au courant de la situation. Avant de prendre la parole, je ne pus m’empêcher d’observer l’attitude de mon interlocutrice qui venait de me demander des précisions sur ce qui s’était passé, sans pour autant s’emporter. Il fallait l’avouer, c’était très intéressant pour moi (en tant que psychothérapeute) d’examiner le calme qui l’habitait, malgré les circonstances. Elle disposait de ressources internes formidables, cette femme-là, et si j’avais encore des doutes sur la raison qui me poussait à aller vers elle lorsque j’avais besoin de parler à quelqu’un, celui-ci venait tout juste d’être dissipé. Ca me semblait évident : elle était la seule qui avait les épaules assez larges pour entendre ce que j’avais à raconter.

Je laissais ainsi s’écouler quelques secondes avant de répondre aux questions qui m’étaient posées, le temps de sortir de mes pensées. « Tu devines bien. Quelqu’un leur est rentré dedans… » J’avais posé mes mains sur mes cuisses et baissé le regard en disant cela. « James s’en est sorti sans être trop amoché… physiquement, ça va. Mais sa femme s’est prit un sale coup à la tête et elle se rappelle plus de rien pour le moment. » Un soupir m’échappa et je relevais mes yeux sur ceux de Kerry. « Lui y compris. Je t’assure que je l’ai jamais vu aussi paniqué depuis que je le connais. Hum… faut vraiment qu’on fasse quelque chose pour lui changer les idées au plus vite, parce que ça prendra du temps jusqu’à ce que Féline se rappelle de quoi que ce soit… si la mémoire de ces dernières années lui revient. » Je hochais négativement la tête et laissais une insulte siffler entre mes dents, juste avant de m’excuser pour ça. « On ne peut pas écarter la possibilité qu’elle ne récupérera jamais les souvenirs qu’elle a de lui. » Après un instant d’hésitation, je repris, à moitié désemparé. « Je sais pas du tout comment m’y prendre… »

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