What else ? -Lola-

Silencieux, William se déplaça dans les couloirs. Pour une fois, il était en avance, non pas qu'il soit en retard d'habitude... Non, il était toujours à l'heure. Il ne fit pas attention à l'élève qui lui sourit en le croisant, pas plus qu'à son collègue qui lui fit un signe de tête puis hossa les épaules. William Woodward avait l'esprit ailleurs, il n'était plus à Los Angeles. Il l'avait quitté pour quelques instants pour se promener à Athène. Il abandonnait souvent le présent pour se plonger dans le passé, il l'avait toujours fait et c'est pour ça qu'il s'était dirigé vers l'histoire, matière qu'il trouvait passionnante. Il arrivait beaucoup plus facilement que la plupart des gens à se trouver dans un autre monde et c'est sans doute pour ça qu'il était aussi sensible à la littérature, le cinéma et l'art en générale.
Il abandonna l'Acropole et ses temples bigarés. Il enfila la clé dans le trou de la serrure de sa salle de classe et s'aperçut aussitôt que quelque chose n'était pas normal. Brita, la femme de ménage avait sans doute oublié une nouvelle fois de fermer sa salle. William tiqua un instant et entra tout de même dans son espace. Il ne partageait presque pas cette salle avec ses collègues. Ca avait toujours été ainsi, la fac lui avait presque attitré cette pièce qu'il s'était vite appropriée. Comme pour confirmer ses dires, son regard tomba sur quelques piles de bouquins qui lui appartenait et l'aidait à faire ses recherches ou qu'il voulait prêté à des élèves.
Le professeur posa son sac en cuir sur la fine couche de poussière de craie qui recouvrait l'estrade en bois et sourit en réfléchissant à sa prochaine leçon. Ce serait plus une grande discussion qu'une leçon et il pourrait gentiment se moquer de certains de ses élèves en les piégeant sur des questions techniques. Il se tourna en silence vers sa salle de cours.

C'est là qu'il la vit, une étudiante au milieu de la salle tout à fait endormie. Amusé, William fronça légèrement les sourcils et son sourire s'élargit, il ne reconnaissait pas cette élève. Il ne l'avait sans doute jamais vu et pourtant elle s'était engouffrée dans sa salle. Ce qui était... sans doute interdit. William haussa les épaules. Il s'en fichait un peu du réglement, il ne l'avait pas plus lu que les élèves mais bon. La sonnerie retentit à l'autre bout du couloir, pas assez fort pour réveiller la belle endormie.

Le professeur n'avait pas cours tout de suite, il comptait faire quelques recherches avant de donner son cours et il n'avait pas besoin d'interrompre le sommeil de l'étudiante pour lui demander de quitter la salle tout de suite. Il se résolut donc à prendre un bouquin et le feuilleter en attendant l'heure de son cours mais, aussitôt cette décision prise, il se souvint de ses années à UCLA en tant qu'étudiant à ces deux cours qu'il avait loupé parce qu'il s'était aussi endormi le lendemain d'une nuit blanche, dans le gazon du parc. Cela lui avait valut pas mal de problème et de quelques essais à écrire en plus. Bref, pas de très bons souvenirs.

Son regard se détacha du livre qu'il tenait sur les Humanistes et se posa sur la jeune étudiante. Comme pour confirmer ses pensées, la deuxième sonnerie retentit et il posa son livre pour se diriger vers le centre de la salle.
A quelques mètres de la jeune fille, il se racla la gorge assez bruyamment pour que ça la réveille. Il se mit ensuite à sourire, il ne pouvait pas s'en empêcher.

- Si vos cours commencent à 14h00, vous êtes en retard, sinon... je conseille le café.

Une voix s'infiltre dans les couches de sommeil, entre les doigts de morphéesqui s'étaient enroulés sur moi. Une voix qui tousse puis parle d'heure et de café. Un grondement mécontent, un gémissement d'envie... je ne sais ce qui échappe à ma gorge. Sans doute un peu des deux mêlés. Café. Déjà 14h. Cours dans 30 minutes. Envie de dormir, encore. Boulot, ce soir. Traces de tricots sur ma joue. Mal au dos.

J'aurais du trouver un autre coin pour ma sieste... Mon coin habituel a été colonisé par un couple en rut, mais cette classe manque de confort, définitivement.

Je plaque une main sur ma bouche qui ose bâiller et ouvre des yeux aux paupières paresseuses, pour trouver qui me rappelle aussi à l'ordre, pour demander, la voix encore pétrie de sommeil et de fatigue:

« Vous offrez le café? »

Oh. Un vieux. Et pas un pion, eux, je les connais. Un prof?

Je pique un fard, me redresse brusquement, passe des doigts nerveux dans mes cheveux, tente d'effacer les plis de mon écharpe imprimés sur ma joue.

« Enfin... Ils disent que le café, dans la salle des profs, est plutôt bon... Je ne vais pas vous en priver...i Et euh... Je vais vous laisser votre salle de cours...»

Il sourit.
Je dois paraitre ridicule.
Il sourit, je rougis...
Je pâlis.

Je viens de me prendre les pieds. A rien. Juste à mon autre pied. Je viens de manquer tomber. Manquer m'écraser au sol, à ses pieds. Et pour éviter cette catastrophe, j'ai planté les doigts là ou j'ai pu. Je crois que je lui ai griffé le ventre, avant de me retenir à lui.

« Ah... ah... pardon. Je... Merci. »

De pire en pire...

« Vous faites un très bon... garde-fou, monsieur et... je m'excuse? Au réveil, je suis toujours très maladroite. Et puis ma salle de sieste habituelle était occupée et j'ai du en trouver une autre et je ne voulais pas sous entendre que vos cours son ennuyeux à ce point enfin... Vous le savez, hein,q ue je ne suis pas une de vos étudiantes? »

Je le lâche précipitamment. Mince. Je me retenais encore à lui en tentant de me justifier. Mince. Mince. Mince.

« ah ah... c'est affreusement embarrassant... »

William se contint. Il ne se mit pas à rire, avec le temps les fou rire déplacés pouvant être mal interprétés existent toujours et se font rares. Il se contenta donc de sourire et de regarder la jeune fille avec ses yeux clairs et troublant. Elle mit un sacré moment pour sortir du sommeil si bien que le professeur se demanda depuis combien de temps elle était dans la salle à dormir. Elle avait sans doute sacrifier sa pause déjeuner pour dormir. William s'imagina alors toutes sortes de raisons pour expliquer la fatigue de la jeune fille : une fête la veille, de gros examens et de grosses révisions de dernières minutes ou un travail qui lui pompait son énergie et lui demandait de travailler tard ou bien une double vie, agent secret la nuit ou héroïne des quartiers sombres de Los Angeles.
A nouveau William s'empêcha de rire, il ne pouvait pas empêcher son imagination de courir mais en attendant la jeune fille gauche le regardait, l'observait, se disait qu'elle ne le connaissait pas, essayait de marcher... sans grand succès pour être honnête. Lorsqu'elle trébucha, il la rattrapa sans peine par les épaules et la laissa parler et s'enfoncer dans des excuses inutiles.

Ce qu'il ne supportait pas, avec l'âge, ce n'était pas ses cheveux grisonnant tirant vers le blanc, ni même les ennuis de santé, il s'en tirait plutôt bien de ce coté là et malgré ses abus multiples dans sa jeunesses et ses années de baseball, il n'était pas cassé et restait aussi agile qu'un homme de 35 ans mais les marques de politesse ou le respect que l'on prête aux personnes plus âgées non pas parce qu'elles le méritent mais juste parce qu'elles sont âgées. Heureusement pour lui, il restait assez séduisant, très dynamique et n'avait pas soixante ans ce qui le laissait dans la case "George Clooney" comme lui avait déjà sorti une élève.

Il aida légèrement la jeune fille à se remettre d'aplomb et lui sourit à nouveau espérant lui faire oublier toute gêne.

- Ce n'est pas si gênant que ça, on est jamais très adroit au réveil et je sais que vous n'êtes pas une de mes étudiante, je vous aurais remarquer et pour le café, il est absolument affreux dans la salle des profs où je vais en tout cas et c'est dans l'autre aile du bâtiment, c'est pour ça que j'ai une cafetière dans cette salle... Je comptais m'en faire couler et il vaudrait sans doute mieux que vous en preniez si vous voulez garder les yeux ouverts cet après-midi... Qu'étudiez vous ?

Une fois certain que la jeune femme n'allait pas tomber, il s'éloigna et se rendit à nouveau vers l'estrade et le robinet dans le coin de la salle. William était définitivement accro au café et ne changerait sans doute jamais. Il n'avait jamais accroché à la red bull, pour lui rien ne valait un bon café chaud. Il pourrait en boire des litres.

...

Je crois que j'ai les joues en feu. Ca doit être ça, cette sensation intense de chaleur qui me touche le visage. A-t-on idée d'être si maladroite? ET puis, rougir, pour une rousse c'est... affreux. Le rouge et mes cheveux... ensemble, ça fait juste mal aux yeux. Une faute de gout impressionnante, presque impardonnable.

« Pardon... « 

Je prends appui sur la table la plus proche, j'échappe à son contact au plus vite.

« Je veux bien du café, alors... C'est vrai, si je veux rester éveillée... »

Je marmonne plus que je ne parle, sans le regarder. Une mèche de cheveux vient me barrer le front, le regard. Puis jeréponds à sa question, en élevant la voix, pour qu'elle lui parvienne dans son éloignement.

« J'étudie le stylisme... assez loin de l'histoire, vous voyez? Le tissu, les plissés, la mode... des frivolités! »

Après un instant d'hésitation, alors qu'il a le dos tourné, elle choisi de s'asseoir sur la table et pose sur ses genoux son sac, le suivant du regard alors qu'il prépare le café.

« Là je vais avoir cours de coupe... des mathématiques appliquées, pour pouvoir dessiner des patrons. Un peu de caféine pourrait fort bien me sauver la vie. »

Que dit-on à un professeur? Que demander? Comment entretenir une conversation.

« Et vous? Quel cours vous apprêtez-vous à donner? Sur quelle période? »