ST VALENTIN - Speed Dating - Adam et Rose

Après des dizaines de minutes de discussion, des dizaines d’arguments, Eric avait enfin réussi à me convaincre de me rendre à cette soirée spéciale, une soirée Saint Valentin. Si j’aimais sortir, les soirées de ce genre n’étaient pas franchement mon truc. Surtout qu’en ce moment, ma situation ne s’y prêtait pas. Je n’avais pas envie de sortir pour séduire. Mais Eric m’avait convaincu de l’accompagner. Principalement pour ne pas le laisser seul. Avec quelques minutes de retards, nous arrivions enfin sur le lieu du speed dating. Rapidement, j’attrapais une feuille et un stylo qu’on met tendait à l’entrée. Si une fille me plaisait, je n’aurais certainement pas besoin d’un papier et d’un stylo pour m’en rappeler. Mais bref, c’était le jeu. Alors que tout le monde était déjà assis, je cherchais les tables encore vides, j’avais la numéro 3. Sans même faire attention à la jeune femme que j’avais en face de moi, je prenais place sur la petite chaise en bois face à elle. « Excusez moi, je suis toujours en retard ». Installé, je levais enfin les yeux vers la demoiselle avec laquelle j’allais passer dix minutes, pas une de moins, pas une de plus. Et là, mon cœur manqua un battement. Rose. Je restais figé quelques secondes avant de baisser la tête légèrement embarrassé. « Miss Wallas ». Ça c’était une surprise. Agréable ou non ? En réalité, je ne saurais le dire. Elle était belle, apprêtée comme je ne l’avais jamais vu pour l’occasion. « Je suppose que vous non plus vous ne vous attendiez pas à tomber sur moi … ». Merde, trouves autres choses à dire Lewis. Tu n’es pas un adolescent timide devant son premier flirt. « Vous êtes très jolie ce soir ». Un léger sourire aux lèvres, pour essayer de détendre la situation, c’était la première fois que je me montrais mal à l’aise, moi d’habitude si sûr de moi.

Miss Wallas, Monsieur Lewis. Je détestais ça. Parce que ces simples mots me renvoyaient à chaque fois à ma position de professeur. Et avec tous les étudiants qui couraient les rues de Los Angeles, parfois j’avais l’impression de n’être plus que ça. Enfermé dans une profession que je n’avais même pas réellement choisie, désirée. Dans un statut qui ne me convenait pas. « Adam fera l’affaire pour ce soir, après tout nous sommes en dehors de l’université ». En dehors des règles, en dehors des normes rigides qu’impliquaient nos places de professeur et d’élève. Ce soir je me permettais de la contempler, elle, dans cette robe noire qui lui allait à ravir, ses talons hauts qui mettaient en avant ses jambes fines et légèrement hâlées, lui lançant un compliment qu’elle me renvoyait sans hésitation. Surpris, je levais mon regard vers le sien, un léger sourire apparaissant sur le coin de mes lèvres. « Merci ». Je n’étais pas habitué à autant d’aisance de sa part, nos anciennes discussions rythmées par la gêne et le malaise étaient trompeuses. Car c’est une Rose ouverte et disponible que j’avais en face de moi ce soir. « Qu’est-ce vous faites dans une soirée pareille ? Vous n’avez pas besoin de ça pour trouver quelqu’un ». Le sourire charmeur malgré moi, je me mettais droit devant elle, sur ma chaise, de sorte à ce que mon attention ne soit concentrée que sur elle et non pas sur le reste de la salle. Nous n’étions plus que deux autour de cette table.

Au fil des secondes, au fil de ses mots, de ses attitudes, un léger sourire malin apparaissait sur mes lèvres. Mes yeux rejoignirent la table pour ne pas trahir cette lueur dans mon regard, une lueur liée à la surprise de ce changement de comportement de la jeune femme. Si j’appréciais beaucoup Rose, j’aimais encore plus la Rose ouverte, disponible et sûre d’elle. Une vraie femme fatale ce soir. Et quand je relevais enfin mon regard sur elle, cette lueur n’avait pas disparu. « Non vous avez raison … ». J’allais continuer mes explications, mais ma phrase sonna tout d’un coup trop faux. « Si on s’appel par nos prénoms, autant laisser tomber le vouvoiement ? ». La dernière fois que je lui ai proposée, la jeune femme s’était retrouvée complètement mal à l’aise. Je savais que ce soir ce ne serait pas le cas. « On est là pour les mêmes raisons, tu vois le grand bébé là bas … Il a encore besoin que je le tienne par la main pour aller draguer ». C’était naturel, trop naturel avec elle, le contact était facile, les mots, les blagues sortaient toutes seules. Plus Rose se détendait et plus je l’étais également. Seulement, ce n’était pas la seule attitude qu’elle arbora, encore plus surprenante, encore plus envoûtante, elle ne lâchait pas mon regard quand elle parla du destin et de notre rencontre ce soir. Droit sur mon siège, j’entrais dans son jeu, la dévisageant presque à ses mots. « Tu trouves ? J’ai l’impression que tu n’aimais pas trop quand le destin nous rapprochait auparavant … J’ai eu peur que tu prennes tes jambes à ton cou en me voyant ». Je la poussais, je voulais voir jusqu’où cette attitude sans failles tiendrais, c’était un défi. « Mais je suis heureux que tu ne l’es pas fait, je vais pouvoir profiter de toi pendant les dix prochaines minutes ». Ridiculement court, mais rien ne nous empêchait de poursuivre la soirée plus tard si Rose ne changeait finalement pas d’attitude.

Le comportement de Rose ce soir était surprenant. Jamais je ne l’avais vu ainsi, transpirante de confiance, suante d’aplomb. Mais ce nouveau caractère, pas si nouveau que ça, car en réalité, c’était la Rose des débats, la Rose des cours, mais face à moi, c’était complètement nouveau et ce nouveau caractère me plaisait beaucoup. J’avais toujours eu un faible pour les femmes sûres d’elles, qui ne se laissaient pas avoir par le premier homme venu et qui se faisait même chasseuses. Rose en était une ce soir et j’étais la proie. Une pauvre proie déstabilisée. Une sensation que je ne ressentais jamais avec une femme et qui ce soir, me surprenait autant qu’elle me plaisait. « Je trouves aussi, ça me permet de découvrir une autre facette de ta personnalité ». Oui, je ne manquais pas de lui montrer mon étonnement, un étonnement qui me tirait un large sourire malgré moi. Je rêvais de m’éclipser avec elle, simplement pour voir ce dont elle était capable. Si tout ça n’était pas qu’une image qu’elle voulait se donner qui n’éclaterait pas un morceau dès lors que nous serions dans un endroit beaucoup plus isolé. Mais la jeune femme me lançait déjà le défi. Dix minutes sont bien trop courtes. « Et dans un endroit pareil c’est difficile d’en profiter pleinement … ». Je ne voulais pas dire qu’il fallait nous isoler dans une chambre d’hôtel. Je voulais simplement dire que je n’étais pas forcément à l’aise, ici, au milieu d’une foule de personnes stéréotypées. J’aimais m’évader et il n’y avait que l’extérieur pour cela. « On peut se voir à la fin de la soirée si tu veux ? Enfin … Si tu ne rencontres personnes d’autres de plus intéressant que moi d’ici là … ». Je souriais, une femme comme elle n’aurait pas de mal à trouver quelqu’un pour rentrer ce soir si c’était son désir. Je ne la forçais pas. « Je suis venu en moto, on pourrait faire un tour après, si t’es partante ? ». Le regard plein de défi, je la dévisageais.

Le speed dating n’offrait pas la possibilité de passer un moment dans un contexte cool et détendu comme le définissait la jeune femme. Le temps était compté et ne permettait pas d’approfondir une discussion, de prendre son temps. Alors j’avais spontanément proposé à Rose de se retrouver après. Parce que je voulais passer plus de temps avec cette Rose là, celle que je découvrais ce soir et qui me plaisait cent fois plus que l’étudiante intimidée que j’avais eue l’habitude de connaître. Quelque part, j’avais l’impression de la retrouver. L’image qu’elle véhiculait lors des cours collait plus à cette femme que j’avais en face de moi ce soir. Et c’était comme si je la découvrais pour la première fois. C’était nouveau. « Tu ne leur laisse même pas une chance ? ». Un rictus au coin des lèvres, j’étais flatté par ses mots. Si je trouverai plus intéressante qu’une petite étudiante ? Quoi qu’il arrive ce soir c’est avec elle que je partirai et aucune autre. « On se rejoint à la sorti quand c’est terminé ». Ce n’était plus une question mais une affirmation. La sonnerie retentissait déjà, signalement aux hommes qu’il était temps de changer de table et donc de femme à séduire. Déjà, je me levais pour céder ma place, me penchant sur ma chaise pour ajouter. « Pars pas sans moi Wallas ». Un nouveau sourire sur les lèvres, je m’en allais vers ma prochaine rencontre.