liam + play or be played

Les portes de l’ascenseur s’ouvraient beaucoup trop tôt. Encore quelques minutes et j’aurais obtenu son numéro … entre autres choses … Mais je la laissais filer, se glisser à travers les portes pour disparaître dans le long couloir de l’hôtel. Cette femme, aussi belle soit-elle, n’était pas la raison de ma venue en ces lieux ce soir et mon esprit oublia bien vite son visage parfait et ses courbes affolantes quand je me concentrais sur l’aiguille de ma montre qui indiquait bientôt l’heure dite. Mon cœur se serrait d’anxiété dans ma poitrine. 21 heures. Et pas une minute de plus. Il le savait. Il savait que je ne supporterais pas qu’il soit en retard, qu’il n’est pas fait assez d’effort pour moi. Doucement, je m’avançais à travers le couloir éclairé par les lumières artificielles de la nuit, le regard perdu sur les baies vitrées qui me reflétaient mon image. Un homme, sûr de lui dans un costume trois pièces d’une grande maison de couture, comme toujours. Mon dos s’accola contre le mur, un mur froid de béton qui vibrait sur les basses de la musique qui s’échappaient d’une des chambres non loin d’ici. Mon regard flirtait avec le vide et l’aiguille de ma montre dont je pouvais jurer entendre la trotteuse me narguer dans un tic et un tac assourdissant. J’aurais voulu l’arracher et briser le plus petit mécanisme entre mes doigts. Mais je restais de marbre, même lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent à nouveau et que du coin de l’œil je pouvais apercevoir le corps du jeune homme que j’attendais.

Il veut que je sois là à 21 heures, Braxas Hotel. Mais juste avant, je dois apporter quelque chose. C’est la moindre à faire vu qu’il m’a invité. Vu qu’on est tous les deux, je suppose que je dois me préparer à une soirée à deux. Je me sens… comme un oiseau ! Je vole, je suis bien heureux !

Je choppe un costard, pas trop classe mais pas trop négligé. J’emprunte rapidement une voiture de location, elle est belle, c’est une grosse berline comme j’aime bien prendre de temps en temps. Là, j’ai vraiment la classe. Cependant, ce n’est pas assez…

Sur le chemin pour Los Angeles, je commande auprès d’un traiteur de luxe une très bonne bouteille de vin rouge ainsi qu’un repas pour deux personnes. Quelque chose de classe, assez léger quand même. J’ai envie de l’impression, de lui montrer que je peux avoir de la valeur à ses yeux.

J’ai envie de plaire.

Je gare la voiture devant le Braxas Hotel, je laisse un pourboire de $100 au lieu de $10 au voiturier mais je suis trop pressé. J’entre dans l’ascenseur et c’est le seul moment où je trouve que j’ai du repos depuis qu’il m’a appelé. J’essuie mon visage en m’aidant du miroir, je déboutonne un peu ma chemise puis je finis par sortir de l’ascenseur.

Bientôt 21h00. Je marche rapidement dans le couloir et c’est là que je le vois. Il est calé contre le mur et mon sourire s’illumine quand je le vois. « Bonsoir Axel, je ne vous ai pas trop fais attendre ? » D’ailleurs, je me sens même surpris.

Je le vois dans cette position, il attendait. Pourquoi n’est-il pas dans la chambre ? « Vous n’étiez pas obligé d’attendre dehors, j’aurais pu frapper à la porte. Je… Vous allez bien ? J’ai apporté du vin rouge. Il vient de France, je pensais que ça pourrait vous faire plaisir. Il a l’air bon... » dis-je timidement en sortant la bouteille du sac.

L’aiguille se rapproche dangereusement de l’heure fatidique et la boule au fond de mon estomac ne cesse de s’accroître. S’il venait en retard, je pourrais lui briser les os un par un pour cet affront … Mais ma colère ardente se dissipe immédiatement quand la sonnerie de l’ascenseur résonne dans le couloir et dévoile l’homme seul, une chemise légèrement entrouverte et les bras chargés. Il s’active pour me rejoindre et moi, je ne bouge pas d’un millimètre. « Non, je viens d’arriver ». Mon regard s’aventure discrètement sur lui et je détaille chaque centimètre carré de peau et de tissu. De toute évidence, je n’ai rien à dire, il est parfait, impeccable, irréprochable. Une classe et une élégance naturelle que j’apprécie chez lui. Puis je reconnais une bouteille de vin. Du rouge, ce que je préfère. Un léger sourire se pose sur mes lèvres, mais comme d’habitude mes réactions ne sont pas dans la démonstration. « Du rouge … Je ne savais pas que tu aimais le rouge ». Un vin plus particulièrement réservé aux européens et aux français, à mes yeux, les américains ne possédaient pas le palais ni les connaissances œnologiques pour boire un liquide aussi noble. Je me redresse face à lui et semble le dominer même si je ne suis pas beaucoup plus grand que lui. J’attrape la bouteille de ses mains et me poste à côté de lui pour poser une main derrière son dos. « J’étais obligé de t'attendre, tu ne serais pas entré sans moi ». Je toque à la porte juste devant nous. Un homme ouvre et la musique se fait beaucoup plus forte. Des gens de toute évidence d’une certaine classe sociale s’amassent dans chaque coin de la pièce. Je pousse légèrement Liam à entrer et le succède de près. Je veux qu’il sente ma présence juste derrière lui comme un garde fou ou bien comme un bourreau. « Tu as ramené autre chose ? ». Ce petit paquet qu’il tient encore dans ses mains.  

Je suis arrivé, il est là. Je m’interroge sur la raison qu’il a d’être dans le couloir, mais il m’intimide trop pour lui demander pourquoi il est là et pas dans la chambre. Et puis, je suis bien trop concentré par cette allure si magnifique à mes yeux, tel un paon qui bougeait à peine ses plumes pour que l’on soit émerveillé par sa beauté. Il semble apprécier le vin que j’ai pris. J’y pose quelques secondes les yeux en souriant fièrement. « Oui… vous aimez le vin rouge… alors je pensais que ça pourrait vous faire plaisir. C’est une bonne soirée pour déguster du vin français. » Pour du romantisme, je crois ? C’est ce que j’ai lu dans un des livres de ma mère.

Puis il vient à se lever. Mes yeux suivent son visage dans cette ascension, je me sens … encore plus dominer par sa présence et je n’oserais le dire à voix haute que je me sens bien ainsi. Comme si j’aimais offrir ma soumission à Axel au prix du plaisir que j’en retire moi-même. Il aspire mon âme chaque seconde, je suis son pantin. Il prend la bouteille de mes mains et sa main dans mon dos me transperce. Apparemment, il ne voulait pas rentrer sans moi. C’est alors que je remarque cette musique de fond. Nous allons à une petite fête. Nous ne sommes pas seuls. Je me sens grandement perturbé. Je regarde autour de moi entrant dans la pièce. Mon seul réconfort étant la présence d’Axel à mes côtés.

Il n’a pas oublié mon sac. Je me sens rougir quand il m’en parle, je n’osais pas dire que ce n’était qu’un repas pour deux. Que je pensais passer la soirée seul à ses côtés. « Ce n’est pas grand-chose. C’est même rien. Je vais… poser ça dans un coin et nous chercher des verres… pour le … vin, je… je reviens. » Je m’échappe malgré la peur de représailles d’Axel de le laisser là dans l’entrée. Je trouve une table et pose le sac dessus. J’en sors un carton où se glisse un peu d’homard avec un peu de salade et un petit pot en plastique contenant une sauce. Ça aurait pu être délicieux. Sans parler des autres petites boites. Puis je prends des verres. En plastique. « C’est pas vraiment avec ça que je boirais du vin, mais soit… » Je ne me sens pas pressé, j’ai peur de faire face à Axel. Je dois déjà le décevoir.

Au fil de ses explications, je comprends qu’il a choisi ce vin pour moi, pour me faire plaisir. Et si j’apprécie le geste, je me garde de lui en faire la remarque. Au lieu de ça, je l’invite ou plutôt le force à entrer dans l’immense suite où se déroule une fête très privée. Juste derrière son dos, je lui pose une question à laquelle il me répond vaguement. Son hésitation, son manque d’honnêteté envers moi fait resurgir dans le fond de mon estomac cette petite boule d’énervement. Et lorsqu’il me fuit, j’avance d’un pas pour le rattraper quand on me barre le passage. « Axel !  Je suis content de te voir ce soir ! ». Ma mâchoire se serre et pourtant, j’affiche un sourire de façade pour ne pas froisser l’hôte. Question d’habitude. « Eric, quel plaisir. ». Mon regard le contourne discrètement pour vérifier que Liam est toujours présent. « Qu’est-ce que tu en penses ? Des filles devraient arriver dans la soirée ! ». Des filles … Non pas des amies ou des anonymes, des jeunes femmes payées pour assister à ce genre de petites soirées. Parce que les mondanités n’empêchent pas le plus bas degré de vulgarité.  « J’espère qu’elles n’ont pas froid aux yeux … ». Sifflais-je entre mes lèvres tout en déposant une main amicale sur son épaule et m’écartant de lui. Puis je vais rejoindre Liam, d’un pas rapide. Une fois à sa hauteur, j’attrape son poignet que je serre fermement entre mes doigts. « Qu’est-ce que tu me caches ? ». Je l’empêche de me cacher le petit paquet et l’ouvre à la hâte pour y voir ce qui y était caché. Mon regard s’adoucit soudainement, la boule au fond de mon ventre disparait. Je repose le petit carton et me tourne vers lui, tenant cette fois ci son poignet presque tendrement. Mon regard plonge dans le sien. « Va mettre ça dans un frigo, si on a toujours faim ce soir, je nous louerai une chambre pour déguster ça ». Je lui souris tout aussi tendrement et l’incite à s’exécuter. Mais le retient avant qu'il ne parte définitivement. « Ces gens sont mes amis, j'attends de toi que tu fasses bonne figure ... ». Mes mots m'échappent dans des murmures tout près de son oreille. Puis je le relâche et attrape de nouveau la bouteille et l’ouvre. Je cherche des verres qui ne sont pas en plastique, parce qu’il m’est tout simplement impossible de boire un vin de ce cru dans ce genre de verre. Après avoir trouvé mon bonheur, je serre deux verres et me tient près du stand où j’attends encore une fois le jeune homme. Plusieurs personnes, hommes et femmes viennent à ma rencontre, discuter quelques minutes. Mais mes pensées sont toutes dirigées vers ce jeune homme si peu sûr de lui, si fragile que je rêve de protéger autant que de torturer.
 

JJe sais qu’il reviendra mais en attendant, j’ai envie de gagner d’autres points en lui offrant son pêché mignon dans un verre de cristal. Mais il vient à moi si vite. Je sens sa main sur mon poignet. C’est comme une décharge qui torture mon corps avec du plaisir. Il m’a touché. Je sens sa peau, c’est … WOW. « Ce… ce n’est … » Il ouvre, et je vois son visage plus… détendu. Il avait compris mon intention en venant ce soir. J’apprécie qu’il aime mon geste, je le sens plus doux. Je m’en retrouve moins apeuré, encore plus rassuré. Du moins, je le reste en étant à ses côtés. Mais il veut que je mette ça au réfrigérateur, ce qui est une meilleure idée que la mienne. « D’accord. » murmurais-je timidement. Je prends le sac mais il me retient à nouveau. Ces personnes sont ses amis. Je dois bien me tenir, de toute manière, je n’en ferais pas autrement. Je pose le sac au sol puis prend sa main entre les miennes. « Je ne vous ferais jamais honte. Je vous en fais la promesse. » J’embrasse discrètement le dos de sa main avant de m’éloigner pour mettre le sac dans le réfrigérateur.  Quand je reviens dans la pièce où il est, je le vois avec plusieurs personnes. Je n’ose pas venir à lui, il semble occuper et je me dis que par ma présence, je pourrais lui faire honte. Ou dans un cas plus supportable, être de trop. Un homme m’intercepte, discutant avec moi sans trop que je comprenne où il veut en venir. Je crois qu’il se présente à moi, qu’il me complimente. J’intercepte le regard d’Axel, espérant qu’il me sauve. J’ai l’impression d’être le lionceau d’une tribu de lions adultes. « Viens à mon secours, Prince ! ». Ou bien, laissez ses femmes en tenue peu commune me tuer à petit feu. Des femmes, plusieurs, elles viennent de faire leur entrée. Elles sont bien habillées mais elles me paraissent différentes. Je repose mon regard dans celui d’Axel.

Ne jamais me faire honte. C’est bien ce que j’attends de lui. Et lorsqu’il embrasse le dos de ma main, mon regard se porte d’avantage sur le reste de la pièce, m’assurant que personne n’a vu ce geste, m’assurant que personne ne parle de nous et de ce que nous pourrions être sans qu’en réalité nous le soyons. Je le laisse partir et me fond rapidement dans un groupe. Les minutes passent et je le remarque soudainement dans un coin de la pièce, auprès d’un homme qui n’est autre que l’hôte des lieux. En m’excusant je quitte mon groupe et les rejoints. Ma main passe sur sa nuque que je serre doucement entre mes doigts, simplement pour le rassurer de ma présence auprès de lui. « Tu as fait la connaissance de Liam ? ». Je m’adresse à Eric, directement. « C’est un ami à moi, c’est la première fois que je l’emmène, il va découvrir le bonheur de tes soirées ! ». Je ris doucement avec mon ami et attrape le poignet de la première jeune femme qui passe. Une femme qui ne laisse aucun doute sur sa présence ici ce soir pour un œil averti. Le mien. « Bonsoir mademoiselle, je vous présente Liam, il est un peu timide il faudrait l’aider à se sentir un peu plus à l’aise ». D’un geste assuré je tends le poignet de la déesse brune au jeune homme à l’air farouche, l’incitant à l’attraper. D’un signe de tête je leur demande de me suivre dans les canapés où la jeune femme se met à son aise sur les genoux de Liam tandis qu’une autre vient directement prendre place à côté de moi. Un bras derrière son épaule j’observe le jeune homme avec la femme que je lui ai presque servis sur un plateau. J’observe ses réactions, conscientes et inconscientes. « Tout va bien ? ». Lui lançais-je alors que la jeune femme à mes côtés attirait de tant à autre mon attention.
 

C’est un appel au secours, je ne suis pas à l’aise avec les inconnus. Je ne sais même pas comment j’ai fait pour les personnes que je côtoie comme Axel. Et encore, Axel… En ce moment, j’ai l’impression de dépendre de sa présence à mes côtés, peut-être parce que c’est la seule personne que je connaisse ici. Sa main sur ma nuque détend chacun de mes muscles, je me sens mieux. Axel entame directement la conversation avec l’homme qui me parle. Je rajoute, maladroitement : « C’est vrai, c’est génial ici. Bonne ambiance ! » Puis je laisse Axel me mener à la baguette. Sauf que là, je crois que je m’en passerais. Il stoppe une femme, me présente à elle. Je suis… euh je fais quoi au juste ? J’obéis stupidement à Axel quand il nous indique de le suivre sur ce canapé. Cette femme s’installe sur moi, comme ça. Je suis un peu choqué, elle est si peu habillée et son attitude, ce n’est pas mon genre de fille. Je ne sais même pas si j’en ai un mais je suis très mal à l’aise avec elle. Je plante mes mains dans le canapé, et j’essaye de regarder cette femme dans les yeux et pas dans ce décolleté qui me faisait de l’œil. Il faut dire qu’ils sont bien remplis… Axel me demande si je vais bien, je ne saurais le dire. C’est agréable de la regarder mais je n’ai vraiment pas d’aisance à lui parler. Je me penche alors vers Axel pour qu’il soit le seul à entendre ce que je vais dire : « Je suis pas du tout à l’aise avec elle. Elle est jolie mais… » La jeune femme me coupe dans mon aveu à Axel. Elle prend mon visage pour m’embrasser goulument. Un baiser goût rouge à lèvres premier prix, d’alcool et autres goûts incompréhensibles au palais. Oui, au palais. Elle me mettait sa langue jusqu’au fond de la gorge !