Assise dans le couloir d’UCLA, je me résolvais à devoir lui demander. Pas que le professeur de sexologie ne pouvait pas le faire mais j’avais peur que ça se sache. Alors que même si Adam m’a quitté, je sais que je peux lui faire confiance. Je plie le document de trois pages en quatre puis j’attends à la sortie de la salle de cours.
Encore dix minutes. Dix longues minutes qui me font penser à tout ce que j’ai traversé depuis un mois sans le voir, sans vraiment lui parler sauf quand j’ai quitté son appartement par SMS. J’ai peur qu’il voit que j’ai changé. Six kilos, une nouvelle coupe de cheveux, une tenue tellement plus sobre et sérieuse comparé à mon habitude, le teint plus blanc. Espérons-le…
Je me dis qu’il aura trop le bonheur de sa petite fille en tête pour le remarquer. Après tout… s’il ne m’a pas contacté en un mois, je ne dois pas tellement lui manquer. Je pense… je n’en sais rien. Il a dû la revoir, elle. Je me mords la lèvre. J’inspire soudainement quand enfin, des étudiants sortent de la salle petit à petit.
Mes yeux se perdent sur le professeur si beau qui parle avec ses étudiants. Je sais pourquoi mon cœur continue de battre à la chamade quand je le vois. C’est seulement quand tout le monde est enfin parti, qu’il range ses affaires que je me réveille de mon rêve. Je referme la porte derrière moi, espérant que le bruit l’alerte.
Le bruit de mes talons résonne dans la salle alors que je m’approche du bureau. Je me sens défaillir, étouffer. C’est … WOW. Mes doigts se crispent sur le papier. La sensation de ses lèvres remonte à la surface, c’est horrible. J’ai envie de m’en aller mais son regard est déjà posé sur moi, je le vois, je le sens. Je me stoppe à ce moment-là. « Bonjour, Adam. » fis-je d’une petite voix.
Mes yeux se plantent dans son regard bleuté. Je me déteste de ressentir tellement de choses pour lui alors qu’il m’a quitté, que je devrais tourner la page. En plus, c’est moi qui reviens vers lui. Ça craint.
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C’est la rentrée universitaire et comme les étudiants, j’ai retrouvé les bancs de l’école. Ou plutôt mon bureau qui n’a pas connu la présence d’un swiffer depuis longtemps. Mes doigts qui caressent le bois, laissent des traces sur la surface. Mais pour une fois, ce sont les rangées de tables face à moi qui m’intéressent bien plus que le bois massif de mon pupitre. Prof ennuyé et ennuyeux, j’ai passé un cap. Quitte à faire ce travail autant le faire avec un peu plus d’entrain et de conviction. Au fond les lettres, ça a toujours été mon truc, autant partager cette passion avec des étudiants motivés. Mon cours se déroule, j’essaie d’être plus dans l’interaction, l’échange, l’image … Les étudiants y mettent du leur et finalement les minutes s’égrainent rapidement. Quand la sonnerie retentie, ils attendent mon consentement pour se lever et d’un signe de tête je les libère d’une heure de cours qui a été plutôt productive … Comme à l’accoutumé, certains viennent me questionner, mais pas trop longtemps une heure de cours suit dans leur emploi du temps et bien vite je me retrouve seul dans l’amphithéâtre. Je range mes affaires éparpillées, je ne donne un nouveau cours que dans quelques heures. Mais quelque chose attire mon attention, cette porte qui claque, ces talons sur le sol. Mes yeux se posent sur la jeune femme qui s’approche timidement de mon bureau. Je ne la reconnais pas. Pas sur le coup. Ses cheveux courts, cette silhouette un peu trop longiligne. Elle a changé, beaucoup. Mais je la trouve toujours aussi belle et désirable, un peu plus femme que dans mes souvenirs. « Bonjour Madison ». Je lâche tout ce que j’ai dans les mains pour me concentrer sur elle, la détailler du regard. Je ne pensais pas qu’elle oserait venir me voir, qu’elle oserait faire le premier pas. Ma fierté et cette nouvelle vie qui s’offre à moi m’ont convaincu de ne pas aller la chercher, mais je ne pensais pas qu’elle serait là … Pas après avoir quitté mon appartement pour ne plus jamais y revenir, déchaînant une certaine rancune qui me serre la gorge, mais que j’ai bien cherché aussi. « Tout va bien ? ». Je ne suis pas idiot. Après ce que nous avons vécu, après ce long silence, quelque chose la pousse à venir me voir. Et la seule chose que j'espère à ce moment là, c'est qu'elle aille bien.
Lui n’a pas changé. Je le trouve toujours aussi beau et j’ai le fantasme de glisser ma main sur sa joue. Un simple geste, si tendre, juste ressentir son être près de lui. Je ne peux pas, je ne peux plus, il ne veut plus. C’est frustrant. Une torture dont j’ai du mal à me rendre compte tellement mon corps souffre de tout ce que je vis. Cependant, je fais face à Adam avec fermeté, j’essaie de ne pas ciller. Ça me fait tellement bizarre de le voir. Près d’un mois sans le voir, à avoir froid dans le lit, à ne plus avoir l’odeur de sa peau à peine sortie de la douche qui caresses mes narines, à ses attentions avec moi. Je me mets une gifle mentale pour ne plus penser à ça. Quand il me demande si je vais bien, j’avoue que j’hésite à lui dire la vérité. Que depuis qu’on s’est parlé, depuis que je suis partie, je vis un enfer constant où peu de fois, j’ai le sourire. Ce n’est pas de sa faute, c’est ça le pire. Il est juste le début d’une chute vertigineuse. Tout perdre, c’est … tellement crevant. Je me rends compte que je n’ai pas envie d’avoir sa pitié, je ne veux pas le faire culpabiliser alors qu’il vit à présent pour sa fille. Exit le licenciement, exit la santé, tout est beau dans le meilleur des mondes. Je tente un sourire, c’est presque ça. « Oui, je vais bien. Très bien. » Je mens mais personne n’est là pour rapporter à Adam la vérité. Je parais bien alors que tout est l’inverse. Je respire pour chasser tout le négatif, me concentrer sur Adam. « Et toi, ça va ? Tu vas mieux ? » Après tout, vu que je suis sans nouvelles de sa part, qu’il ne semble pas penser que je voudrais savoir comment il va, qu’il a creusé un abysse entre nous, je suis obligé de le franchir avant qu’il soit trop grand. Et finalement, autant lui dire pourquoi je suis là. Parce qu’il faut l’avouer, avoir de ses nouvelles, j’aurais pu seulement appeler. C’est tellement difficile de lui faire face. « Je venais te demander un service. » Non, je ne veux pas de son argent. Je me rends compte que j’ai eu tort d’accepter tout ce qu’il me proposait pour qu’on vive ensemble à Los Angeles. Refuser qu’il me paie mes études, qu’il m’aide, tout ça. J’ai dit « oui » parce que je pensais que ça durerait entre nous, qu’il ne m’abandonnerait pas aussi « facilement ». Maintenant que je regrette, je ne peux pas revenir en arrière mais avancer comme une grande, récupérer l’indépendance dont j’étais fière avant de lui céder. « Je n’ose pas de demander aux autres professeurs. Mais l’administration veut la signature d’un professeur, une sorte de référent, pour une convention avec une entreprise. Ils me paieraient mes études… pour que je puisse travailler avec eux une fois terminé mes études. Alors, je voulais savoir… si tu voulais bien, le faire… » Je déploie les exemplaires, les posant sur son bureau. Ma main frôle alors la sienne. Seulement quelques millimètres. La dernière fois que je l’avais touché, il m’avait repoussé, je m’en souviens. Je frémis à cette pensée, ce souvenir. – Putain, Madison, grandis un peu. Il est parti, il n’a plus rien pour toi. – me convainquais ma conscience.
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Savoir qu’elle va bien n’est pas le but premier de ma question. Sous mes mots je cherche à comprendre son intention, ce qu’elle vient chercher auprès de moi. Parce que cette visite, après tout ce qu’il s’est passé entre nous, ne peut être une visite de courtoisie. Mais je suis content de l’apprendre. Qu’elle va bien. Du moins qu’elle fait face. Parce que sous ses airs assurés, je décèle le mensonge, ou du moins, une fausse vérité. Nous n’avons pas eu une longue relation, nous ne nous sommes peut-être pas découvert comme nous l’aurions dû mais je sais lire sur son visage l’hésitation, la façade et il me semble que c’est exactement ce que j’ai en face de moi à présent. Néanmoins, je ne m’autorise pas à creuser. Peut-être parce que j’ai peur d’entendre, de voir sa détresse, peut-être parce que je ne me l’autorise pas. Quoi qu’il en soit, la jeune femme me retourne la question. Et la surprise se lit aisément sur mon visage. Je ne dénote aucune animosité, aucun mépris dans ses mots. Sa question est sincère. Malgré le gouffre que j’ai mis entre nous, elle s’inquiète encore de mon bien être et je me sens presque coupable de cela. « Ça va. ». Mieux ? Non ça ne va pas mieux. Mais Madison n’est pas au courant de la moitié des choses qui me rongent. A quoi bon les expliquer maintenant ? Prendre du temps, là où nous n’en avions pas auparavant. Silencieux, je préfère l’écouter. Cette jeune femme qui semble avoir quelque chose à me dire ou plutôt à me demander … Doucement j’acquiesce, l’incite à m’en dire plus tandis que je m’appuie contre mon bureau les bras repliés sur mon torse. Je l’écoute avec attention et me penche vers les papiers qu’elle pose sur la surface plane de mon bureau. Sa main, dans un geste trop rapide s’attarde et frôle la mienne. La sensation me ramène à des souvenirs chaleureux, mais j’essaye de me concentrer sur sa demande. « La signature de ton chef de filière ne serait pas peut-être plus adaptée ? ». Mon regard se pose sur elle quelques instants. Elle n’a pas osé. Je ne la connaissais décidément pas si timide … J’attrape l’un des documents et le lit rapidement. « Je dois signer ? Il n’y a pas de suivi ? Pas d’appréciation à donner ? ». L’une de mes mains se glisse dans ma veste, de laquelle je tire un stylo. « C’est une entreprise qui te plaît ? Tu veux réellement travailler avec eux ? C’est un engagement, il faut que tu sois sûre de toi avant que je ne signe quoi que ce soit … ». A vrai dire c’est bien la seule chose que je peux faire pour elle. Cette signature ne repérera rien des dégâts que j’ai causé à son cœur et à son âme. Mais peut-être cela nous permettra t-il de reprendre contact, de parler et de se dire les choses. Pour une fois.
Seulement « ça va ». Je suis surprise et un peu irritée qu’il ménage la vérité. Après tout, c’est bien parce qu’il n’est pas bien qu’il m’a abandonné bien malgré ses promesses et ses sentiments. Mon cœur se serre mais je me dis que je dois l’amener à la discussion, à le laisser me parler de ses soucis s’il en a envie. Et de toute manière, il valait mieux qu’il se confie dans un autre endroit. Plus intime, chez lui, chez moi, dans un parc loin de la foule. De toute manière, j’ai besoin de lui parler d’autre chose. Je serais capable d’oublier pourquoi je suis venue rien qu’à m’appesantir sur ce que je ressentais. Après mon explication, il me demande si mon chef de filière n’est pas mieux placé que lui pour signer. « Pas…vraiment. » Puis il continue avec ses questions. Je reconnais en lui le professeur que j’ai rarement connu. Pour moi, il a été l’homme que j’aime, l’aventurier, pas un professeur de lettres. Bien que je ne doutais pas de ses compétences. Cela me stresse un peu toutes ses questions et j’ai l’impression de me sentir oppresser. Peut-être parce que j’ai peur de lui faire ressentir mon mal. Je n’ai pas envie de sa pitié. J’inspire quelques secondes avant de lui répondre : « Le suivi, c’est seulement vérifier mes notes, que je m’en tire bien. Tu as accès à mon dossier scolaire de toute manière, donc, tu n’auras qu’à jeter un coup d’œil de temps en temps. » Je fais une petite pause, histoire de respirer un peu. Un calme presque constant reflète ma personnalité, à l’extérieur. « Ils font exactement ce que je veux faire. Ils n’ont pas besoin d’un autre sexologue dans l’immédiat mais une fois que j’y travaillerais pour de bons, ça les soulagera et tu n’imagines pas tous les couples qui ont besoin d’aide. » C’est là que je me stoppe. Parce que je pense à nous. A notre rupture, au fait, que nous aurions pu être parmi des patients de sexologue ou psychologue spécialiste des couples. « En plus, c’est une bonne expérience pour moi et je n’aurais pas de soucis à me faire pour mes stages. » J’essayais d’argument pour le convaincre. Et puis, autant être franche : « Ma relation avec le professeur de sexologie est assez mal vue en ce moment. Certaines personnes pensent que j’entretiens une relation autre que scolaire avec lui car je m’entends bien avec. Ce serait mieux que ce soit toi mon référent, personne n’est au courant. Ils sont loin de se douter de notre relation. » Que ce n’est pas le professeur de sexologie qui m’attire – loin de là, mais bien le professeur de lettres pour qui j’ai encore des sentiments malgré cette séparation si brutale. Doucement, je me rapproche d’Adam, posant ma main sur la sienne. « S’il-te-plait, tu m’enlèverais un énorme poids… » Il est évident que j’aurais réussi à gravir à nouveau une marche vers le bien-être, même si je suis loin encore de ça. Bien que je ne sois pas très heureuse en ce moment, sa main dans la mienne, ça me fait beaucoup de bien. Comme si de le toucher me donnait de l’énergie, un bien-être plus qu’agréable et bienvenue.
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Peu importe ce en quoi consiste ce suivi dont elle me parle, ce que je cherche à lui demander en réalité, c’est si elle accepte que je la suive, que je m’engage à laisser un peu de ma présence dans sa vie. « Tu l’acceptes ? Tu acceptes de revenir me voir dans six mois pour que je signe ton semestre ? ». Cette démarche lui coûte déjà beaucoup, ce que je peux aisément lire dans son visage contrit quand je ne m’épanche pas sur mon état actuel. Je ne veux pas que notre relation devienne une corvée, un passage obligé. Mais je comprends au fur et à mesure de ses mots que ce que je redoute est déjà le cas. Madison évoque des rumeurs, des malentendus autour de sa relation avec son professeur de sexologie qui l’empêche de se tourner vers lui pour cette tâche et je ne peux qu’admettre l’ironie de la situation, parce qu’au fond, je ne vaux pas mieux que ce professeur. Mes mains se serrent doucement au bois que j’agrippe de nouveau et je soupire bruyamment avant de me lancer, les yeux dans le vague. « Et ces personnes ont raison de penser cela ? ». Je suis de loin, le plus mal placé pour la juger elle ou ce professeur qui n’est d’autre qu’un de mes collègues, mais la curiosité me pique le cœur et je suis tout bonnement incapable de le garder pour moi. De fermer les yeux sur cette histoire et d’avancer sans en avoir le cœur net. Sur le reste, Madison semble sûre d’elle. Sûre de cet engagement, de cette entreprise dans laquelle elle veut évoluer en lien avec son activité. La sexologie … J’ai encore du mal à comprendre ce qui l’a poussé dans ce domaine, ce qu’elle tire de ces études qui me semblent légères et décalées. Mais je respecte ses choix et ses ambitions. Si elle réussit dans ce domaine, je serais tout simplement heureux pour elle. Tout en décapuchonnant mon stylo, je lui lance un dernier regard, la dernière porte de sortie avant que je ne signe ce papier et ne scelle nos relations pendant une longue année.
« Tu l’acceptes ? Tu acceptes de revenir me voir dans six mois pour que je signe ton semestre ? » A vrai dire, la question pourrait sembler si simple en apparence. Mais dans le fond, j’ai envie de lui répondre l’équivalent d’une thèse pour exprimer ce que je ressens et ce dont je rêverais de possible. Cependant, ce n’est pas facile de dire les choses comme ça. De les exprimer après ce moment dur que je ne pensais pas arriver aussi vite, aussi … destructif. J’ai besoin d’un moment pour lui répondre à ce propos, de répondre à tous les deux. Et puis, il y a cet autre problème, cette raison qui fait que je ne peux que me tourner vers lui. Des rumeurs fausses qui m’entourent et qui m’empoisonnent. Autant dire que ce n’est pas facile pour moi. Surtout en ce moment que le monde a décidé de s’effondrer autour de moi. « Et ces personnes ont raison de penser cela ? » J’ai envie de rire. Pas que ça m’amuse mais il faut dire que j’aimerais tant que ce soit des rumeurs qui me concernent et concernent Adam. Pas le professeur de sexologie. J’aimerais… tellement de choses en lui et moi que ça en devient à espérer un miracle. « Bien sûr que non, c’est faux. » Je réponds ça avec assurance mais j’ai tellement envie de lui dire plus encore. De lui dire que je ne pense qu’à lui, que mon cœur bats pour lui. Qu’on peut bien essayer de me faire aimer quelqu’un d’autre, notre relation a été si intense que ce n’est pas possible de laisser un mois se passer et que j’ai tout oublié. Je n’ai même pas l’impression que mes sentiments ont changée. « ça ne me dérange pas de te revoir, Adam. » Au contraire… J'ai même envie de te voir souvent. Il a signé mais je ne me précipite pas sur les papiers pour m’en aller. Non, j’ai envie de rester un peu. « C’est plutôt moi qui devrait te demander si tu as vraiment envie de me revoir. Après tout, je ne pensais même pas que tu les signerais pour moi. Je ne suis plus aussi importante pour toi, après tout. C’est gentil de ta part, d’ailleurs, tu m’enlèves un énorme poids. Je t’en remercie. » Je referme mes bras contre mon poitrine pour cacher ses tremblements. Sa présence, la situation, tout qui remonte me font un peu tourné la tête. Je me sens si fragile, ça m’énerve. Je tentais de contenir tout cela en moi. Par fierté de réussir mon indépendance, pour ne pas introduire de la pitié à ma vision.
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Elle m’assure que c’est faux. Que ces rumeurs qui remontent à mes oreilles et dont elle fait l’état aujourd’hui, ne sont justement que des rumeurs. Des rumeurs qui prendraient beaucoup plus de sens si elles nous mettaient en lumière elle et moi. Mais il faut croire que nous avions su rester discrets. Mon cœur alourdi s’allège quelque peu. Même si elle n’a aucun compte à me rendre, je suis content qu’elle clarifie les choses. La savoir avec un autre serait déjà difficile à accepter, mais qu’il s’agisse d’un professeur me bouleverserait d’incompréhension et de jalousie … Elle ne m’appartient plus, mais mon égo tient toujours à la garder mienne. Un égo contre lequel je devrais me battre pour avancer et ne pas me laisser déborder. Et elle continue de répondre à mes questions, foudroyée d’honnêteté. J’acquiesce, si cela ne la dérange pas de me revoir, je peux bien le faire pour elle, pour cette femme qui pensait ne plus avoir aucune importance dans ma vie et ne plus pouvoir obtenir une once de considération de ma part. Ma tête s’abaisse vers le sol, mon regard aussi. Je soupire doucement, cherchant les mots les plus appropriés pour lui répondre. « C’est ce que tu penses parce que tu es en colère contre moi, ou parce que je t’ai déçu je n’en sais rien … Mais tu comprendras que les choses sont plus complexes que cela … ». Je serre la mâchoire. Devoir m’expliquer sur mes sentiments n’a jamais été une chose facile, mais devoir me justifier … C’est au-delà de mes forces. Alors tant pis. Qu’elle pense ce qui lui fait le plus de bien ou le moins de mal. Qu’elle pense de moi ce qu’elle veut, c’est bien pour cela que je ne veux plus me battre. « Je le ferais. Ne t’en fais pas pour ça. ». Sans apposer mon regard sur elle, j’hoche la tête pour lui signifier que j’ai entendu ses remerciements. Je ne sais plus comment me comporter et je n’ai plus la force de me battre avec elle …
Je sens que mes mots l’ont touchés, je ressens aussi qu’il m’écoute. Je pense qu’il est plus à même de discuter. Comparé à la dernière fois que l’on s’est vu. Ces mots me perturbent. « C’est ce que tu penses parce que tu es en colère contre moi, ou parce que je t’ai déçu je n’en sais rien … Mais tu comprendras que les choses sont plus complexes que cela … » Je pense qu’on se méprends tous les deux. Qu’on pense des choses négatives de l’autre. Je pense aussi que l’on devrait vivre les choses autrement. Parce que je sais qu’Adam n’a pas un mauvais fond, qu’il peut être une personne gentille mais je sais qu’il peut faire mal, très mal. Je ne parle pas physiquement, je parle à l’intérieur. Dans le cœur, dans l’âme. Il le fera, mais je ne sais pas… je n’ai pas envie de partir comme ça. Laisser les problèmes derrière nous et aller de l’avant alors qu’on pourrait retrouver une relation plus saine. Je me rapproche d’Adam pour poser ma main sous sa mâchoire et relever son regard, et lui demander de me regarder pour qu’il ressente mes mots. « Ce n’est pas vraiment de la colère, mais… de l’incompréhension. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il s’est passé pour que ça se termine ainsi. » Je me mords la lèvre. Je reprends un peu plus… énergiquement : « Je me demande si on ne devrait pas repartir de zéro, comme quand tu es venu vers moi pour me séduire… je ne sais pas si tu te souviens. Il faut dire que les choses sont allées trop vite entre nous, on n’a pas … eu le temps de se connaitre, de se jauger, de se supporter aussi. Je me suis rendue compte que si on aurait eu du temps… ça ne se serait pas si mal passé. » Je me tords la lèvre. Au fond, Adam a besoin d’une liberté que j’étais en train de lui priver au fur et à mesure durant notre relation. Mais j’ai envie de me battre pour lui. Je n’ai pas beaucoup de forces mais je n’ai pas envie de lâcher prise. « Alors, avec du recul, en sachant tout ça… en y réfléchissant, je me disais… qu’on pourrait se donner une chance ? Parce que je ne pense pas qu’en quelques semaines, tu ne ressentes plus rien pour moi. Et… je ne t’empêcherais plus de rien, je ne t’accrocherais pas à Los Angeles ou même à ma propre personne, je ne serais plus égoïste. Je ne dépendrais plus de toi, seulement, on aurait plaisir à se voir… » Je m’accroche à l’espoir qu’il a envie de me revoir, bien plus que tous les six mois par obligation. Je prends mes papiers, les pliant et les glissant dans mon sac. Maintenant, on parle de nous. « Si tu veux bien… qu’on se revoit à nouveau ? Personnellement. »
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Je suis persuadé qu’elle va partir, qu’elle va abandonner. Que mon attitude détachée et lassée va la dissuader d’ajouter un mot. Mais encore une fois, la jeune femme me surprend. Elle reste, traduit mes croyances par de l’incompréhension et décide de jouer carte sur table, de mettre à plat une situation que j’avais pourtant volontairement laissé en suspens. Mon regard remonte sur le sien quand elle glisse ses doigts sous mon menton et je ne peux que l’écouter entamer un long monologue. Ses mots me mettent mal à l’aise, d’autres me serrent le cœur. Ce que j’ai à lui dire ne va pas lui faire plaisir, mais il faut que je lui dise, elle ne me laisse plus le choix. Doucement, je me relève et la domine de tout mon long. Mon regard se bloque dans le sien et je commence. « Madison … Ce qu’il s’est passé entre nous, je ne l’oublierai pas mais c’est terminé. ». Parce que je suis conscient de la dureté de mes mots, je lui laisse quelques secondes pour accuser le coup avant de reprendre. « Je pensais en revenant ici pouvoir vivre une histoire, pouvoir construire quelque chose avec quelqu’un, mais ce n’est pas le cas. J’ai eu des sentiments pour toi mais ce n’est pas assez fort … Ça ne fonctionnera pas parce que je n’en ai pas envie. Et d’autant plus depuis que j’ai appris l’existence de ma fille. ». Mon regard cherche le sien. « J’ai envie de me consacrer à elle et de vivre à nouveau comme je le faisais auparavant, je veux être libre tu comprends ? Libre de sauter d’une falaise, libre de foutre le feu à mon appart, libre de prendre ma moto et de foncer dans un mur. ». C’est peut-être étrange, mais si l’envie me prenait, je voudrais être en possibilité de faire toutes ses choses folles que je faisais avant. Avant d’arriver ici. Madison n’est pas un frein, pas consciemment mais cette petite part de moi me rappellera toujours qu’elle est là et que je n’ai pas le droit de faire n’importe quoi pour elle, alors je préfère être seul. « Je veux que mes actes n’engagent que moi. ». Vivre pour deux, c’est beaucoup trop, beaucoup trop m’en demander. « Maintenant, je serais heureux de te revoir personnellement mais entre nous, il ne se passera plus rien d’ordre sentimental. ».
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