Elle semblait étonnée que le propriétaire puisse la trouver spécialement maigre. Ayant connu des femmes, beaucoup de femmes dans sa jeunesse, il était cependant relativement conscient de ce qu'était une corpulence dans les normes et une corpulence qui en sortait un peu trop, que ce soit dans un sens ou dans l'autre. D'après ce qu'il avait pu voir, sa locataire était bien trop mince par rapport à ce qui était accepté pour une femme de son âge. Et s'il y avait bien une chose dont le propriétaire était conscient, c'était qu'une locataire morte, ça ne rapportait pas. Pour tout ce qu'il en savait, il avait peut être affaire à une anorexique ou une boulimique, trop obsédée par son poids pour se rendre compte des répercussions que sa folie aurait sur sa santé – ayant eu affaire à de telles femmes par le passé, il était hors de question que l'homme de l'immobilier ait à se retrouver dans une situation similaire à présent. En ce qui le concernait, il avait déjà suffisamment donné.
Elle le remercia alors de sa prévenance; il hocha la tête avec humilité. Évidemment, c'était tout naturel. Il avait vu quelque chose qui l'avait interpellé et il s'était senti contraint d'agir, comme un gentleman bien éduqué, distingué et raffiné. Lorsqu'elle lui déclara qu'elle pensait que son intérêt pour elle était tout autre, la jeune femme laissa le vieillard perplexe. Quel autre intérêt aurait-il bien pu avoir pour elle, après tout? Ce n'est pas comme si cela lui ressemblerait de venir rendre une visite à sa "chère et tendre locataire" parce qu'il "passait dans le coin par le plus grand des hasards". Le hasard n'existait pas dans le vocabulaire de Kingsley. La tendresse, elle... Cela faisait trop longtemps qu'il s'en était retrouvé privé.
– Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas venu en tant que propriétaire. Je ferai donc impasse sur tout ce qui n'est pas en ordre aujourd'hui. Il s'agissait là d'une grande générosité qu'il faisait à la jeune femme. Lui même ne saurait expliquer pourquoi il se trouvait si conciliant à ce moment là, étant donné qu'habituellement, il était plutôt de ceux qui pratiquaient l'intransigeance. Probablement, l'étincelle de crainte décelée dans le regard de la jeune femme lui avait mis la puce à l'oreille. Il était venu pour faire sa bonne action, après tout, et non pour effrayer une de ses nombreuses clientes. Lorsqu'elle l'invita à s'installer afin qu'elle puisse se revêtir de façon plus correctement, c'est poliment qu'il refusa son offre.
– Ne vous dérangez pas pour moi, je ne compte pas m'attarder encore bien longtemps.
Malgré tout, la jeune femme disparut dans sa chambre afin de revenir, quelques instants plus tard, dans une robe qui témoignait à quel point son corps était en manque de calories. Il trouvait cela déplorable, la malnutrition aujourd'hui. De son temps, les jeunes femmes étaient toutes si belles et plantureuses... Aucune d'entre elles n'étaient pestiférée par une obsession de la matière grasse et des Oméga 3. La diététique, c'était plutôt un problème du présent, non du passé. Elle l'interrogea alors davantage quant à sa venue, allant jusqu'à lui demander pourquoi il avait tant misé. Un sourire espiège se traça alors sur les lèvres du futur sexagénaire.
– On peut dire les choses comme ça, oui. Vous étiez la seule qui ne m'était pas inconnue dans la sélection et je dois avouer qu'il y avait un élément de fierté dans ma mise. Les moyens, il les avait, après tout. Et lorsqu'il avait cru comprendre que quelqu'un avait pu miser jusqu'à $50,000 sur l'une des enchères, il s'était presque senti dans le devoir d'en faire autant de son côté. La jeune femme se met alors à déjeuner et après l'avoir observé un bref instant, c'est avec composition qu'il lui déclara:
– Bien, je pense que je vais vous laisser maintenant que j'ai la certitude que le charriot est bel et bien arrivé à bon port. À une prochaine fois, peut être.
Signalant alors à la domestique de le suivre d'un simple lever de la main, Kingsley salua la jeune femme d'une simple inclinaison de la tête avant de se retourner et de se diriger vers la sortie. Pour le charriot, il enverrait son chauffeur le récupérer le lendemain. Il n'y avait jamais de problèmes pour ceux qui en avaient les moyens.
extensionauto_awesomeac_unitvolunteer_activismCharlotte.
Je suis ton père.