« On ne peut pas rattraper les erreurs du passé, car l’avenir y est irrémédiablement lié. La nostalgie emplit alors notre raison, sans que la réalité ne nous accorde cette permission si ardemment désirée de réparer des scènes n’ayant jamais dû exister. Vestige sans importance, réminiscences affolées d’un univers qui se déchire de par ses confusions. Méandres invisibles qui marquent à jamais l’esprit, comme un vil rappel à l’inévitable.
La chair n’oublie pas, elle ne fait qu’effacer les marques pour que d’autres y laissent leurs empreintes. »
La chair n’oublie pas, elle ne fait qu’effacer les marques pour que d’autres y laissent leurs empreintes. »
Ça sent la marijuana à plein nez, et sans doute le cuir des sièges empestait-il déjà de la sorte il y a longtemps. Il doit être deux heures du matin, la nuit est encore noire, la musique encore tonitruante, les visages encore séduisants. Je pressens les crissements hystériques des pneus contre le bitume. Il tire sur le levier de vitesse, je dodeline, il le tourne, le pousse, se crispe sur le volant, le tacot oscille.
Le Devilish Temptations,
Un nom dont l’écho hypnotise,
Électrisant les sens,
Concupiscence.
Étouffante chaleur qui m’éprends, bouclant mes cheveux, ankylosant les bulles de Co2. Je familiarise ma respiration avec ce lieu bondé, partageant mon oxygène avec cette foule de dégénérés. Je m’essouffle et je ris à gorge déployée. J’aime les mouvements inutiles des corps qui dansent et les sourires qu’ils affichent en pleine transe. Ils brandissent leurs âges comme unique arme et cette juvénilité met le monde à leurs pieds. Ensemble, nous sommes à l’image d’une veine qui se gonfle et se contracte. Une chair qui frémit, qui palpite. Mais ce soir, je ne suis pas venue pour ça. Ce soir, je suis venue récupérer mon sac, égarée la veille. Que l'aube me vienne en aide. Diluée en milliers de filaments.
« Le propriétaire vous dîtes ? Une moustache et une redingote ? Non sérieux, c'est encore autorisé de porter ça ? C'est une plaisanterie ? Il n'a pas de bureau, je dois le trouver ? Oh oui, pardon de m’énerver, il faut avouer que je ne m'attendais pas à me retrouver dans une foutue chasse au trésor vous voyez ?! »
Les syllabes fendent l'air, lacérant ma patience. J'esquive le bar, je toise la boîte. Je cherche quelques habits démodés pour m'y accrocher. Je songe un instant à me racheter un sac. Un sentiment m’étrangle, m’assèche, m’abolit. Je remarque ce jeune homme qui se distingue par sa beauté, sa prestance, son charisme. Il est celui qui capture l'aurore, enivre les regards.
Divinité insaisissable.
Qui jamais ne se fane.
Impérissable.
Il est celui qu'il me faut dans cette quête qui commence à m'exaspérer et sans lui laisser réellement le choix, j'attrape doucement son bras, lui susurrant tout bas.
« Ça va te paraître bizarre, mais si tu m'aides à retrouver le proprio de l'établissement, je paye ma tournée. Et même celle de ta semaine. T'es partant ? »
Et l'étincelle s'exalte.
Fiévreuse.