round 1.

Les lendemains de soirée étaient une véritable galère pour l’anglais, qui serait bien volontiers resté encore quelques heures sous les draps à profiter de la chaleur de sa partenaire nocturne. Or, comme l’affirmait l’expression partenaire nocturne, tout ceci appartenait à la nuit et il n’avait aucune envie de s’encombrer d’un poids qu’il lui faudrait traîner. Sa popularité grandissante et sa belle gueule lui rendait la séduction aisée, parfois, il n’avait nullement besoin de faire d’effort pour obtenir ce qu’il voulait, ça en était presqu’ennuyeux était-il forcé de reconnaître.  Plus jeune, il avait toujours souhaité que les choses soient aussi faciles mais maintenant qu’elles l’étaient, il n’en retirait aucun plaisir, après tout, comment comprendre la valeur des choses quand ces dernières s’offraient aussi ouvertement ?

Ses lunettes de soleils à quatre cent dollars sur le nez, il s’engouffra dans l’ascenseur, mains dans les poches et allure décontractée mais chic. Il sortait certes d’une bien courte nuit mais il veillait cependant à ce que son allure ne le crie pas sur tous les toits, avec un métier comme le sien, il ne pouvait se permettre des écarts de style et puis avec sa frimousse, il avait le devoir d’être toujours au top au risque de décevoir toutes ses éventuelles prétendantes. Il jeta un coup d’œil rapide à sa montre ; il avait encore une heure et demie devant lui avant que son frère se réveille. Etrangement, malgré que ce dernier soit déjà un adulte bien portant, RJ n’aimait pas trop le laisser seul, en réalité il essayait de rattraper tous ces mois durant lesquels il était à l’étranger et les prochains qui brilleront par son absence.

Les portes métalliques s’ouvrirent au moment où RJ relevait distraitement les yeux et que ne fut pas sa surprise de tomber sur son infection attitrée, Félia. Un sourire indescriptible découvrit ses dents blanches, elle ne l’avait pas encore remarqué.

» Ils prennent vraiment n’importe qui comme femme de ménages de nos jours

Il venait de mettre de l’huile sur le feu et bordel qu’il aimait ça.

Bordel ce que ça fait du bien de pisser sur de vrais chiottes ! Une vraie cuvette propre, avec un rouleau de papier bien blanc et parfumé. Je pensais pas en retrouver de si tôt. J'aurai pu pisser entre deux voitures, mais dans ce quartier-ci, c'est beaucoup trop compliqué. Trop de monde circule dans le Westwood, ça grouille, alors je ne suis que rarement à l'abri des regards. Puis cet hôtel me faisait de l’œil ; l'idée de m'y incruster n'a mis que peu de temps à germer. Je sais qu'une SDF squattant un hôtel comme celui-ci, c'est rare voire inédit, car on se fait bien souvent rejeter. J'ai dû ruser pour y entrer discrètement, car mes fringues ne témoignent pas d'une situation aisée. J'ai pénétré par la porte arrière de la cuisine que les restaurateurs avaient laissée ouverte histoire d'aérer la cuisine, puis j'ai foncé aux étages que j'ai pu à la recherche d'un toilette accessible. Quelle divine idée ! Je ne regrette pas.

Me rhabillant rapidement, je tire la chasse et retourne en direction de la sortie. Je ne nie pas que l'envie de parcours les couloirs et les murs en moquette de cet hôtel me démange. Alors j'emprunte des détours, me permettant de me perdre dans les chemins divers du bâtiments. Jusqu'à ce que j'entende des pas venir vers moi. Figée et muette comme une tombe j'attends un bref instant avant de fuir en direction inverse, jusqu'à me retrouver dans un cul de sac, face aux deux grandes portes métalliques de l'ascenseur. Merde alors ! Je n'hésite pas et appuie sur le gros bouton clignotant à côté. Si je suis assez rapide, je peux fermer les portes avant que les individus n'arrivent à ma hauteur. Et bingo ! Quand les portes s'ouvrent, je grimpe dans la petite cabine grise et appuie sur plusieurs boutons à la suite, espérant simplement fuir cette situation stressante. Je soupire quand enfin je me retrouve seule. J'étais loin de penser qu'aller pisser dans cet hôtel serait une si grande aventure. L’ascenseur se stoppe à un étage que j'avais indiqué. Je suis assez soulagée que ce ne soit pas quelqu'un qui l'ai appelé. Enfin... Jusqu'à ce que j'entende cette voix : « Ils prennent vraiment n’importe qui comme femme de ménages de nos jour. » J'ai le plaisir glaçant de tomber sur cette tête que je hais tant. Il y a des millions voire des milliards d'habitants à Los Angeles mais il faut que ce soit ce type qui grimpe dans cet ascenseur. « Moi aussi je ne suis pas très contente de te voir. » Mon regard le fusille déjà, dès ses premiers mots. « Et je t'emmerde, bouffon. » Qu'il s'en aille crever.