Shaki • Just one day

Et voilà, elles vont arriver. Je mordille ma lèvre et regarde autour de moi pour vérifier que la maison est en parfait état avant d’ouvrir le frigo pour regarder la tête des cheesecakes vegan préparés ce matin. Elle avait aimé le gâteau que j’avais ramené chez elle, j’espère qu’elle appréciera ça aussi. Shaé me rend toujours nerveux, c’est stupide n’est-ce pas ? Un soupir m’échappe et je file dans la chambre pour retirer mon kimono traditionnel et enfiler un jean avec un pull beige à manches longues. Sobre et efficace. Un regard dans le miroir, et j’ai l’impression d’apercevoir le reflet de Yu dans le miroir. Il me manque. Il me manque terriblement. Je baisse la tête doucement, quoi que je fasse, je finis constamment seul. Le tic-tac de l’horloge me ramène sur terre et je regarde l’heure avant d’enfiler mes boots et de sortir de là pour rejoindre l’entrée du club. C’est immense, je n’ai pas envie qu’elle se perde, au contraire. Elle aimera ? Oh… com’on Hiroki…. Tu agis comme un jeune ado amoureux de sa prof de lycée. C’est stupide. Je secoue ma tête et me pose sur les marches en l’attendant, mains entrelacées, regard perdu dans le vide. Finalement, le bruit de ses pas me tire de mes rêveries et je redresse le menton faiblement avant de la regarder, puis de me lever précipitamment pour lui faire face, puis m’incliner et me redresser. « Ohayo Shae-san… » Un bref sourire et j’observe Valentina. « Elle est magnifique… Elle a tellement grandi. » Je m’approche et caresse la joue de la petite avec le revers de l’index. « Vous allez bien ? La route n’a pas été trop longue ? »

Revenir à Los Angeles était devenu le synonyme de retrouvailles avec les amis qu'elle avait quitté lorsqu'elle avait décidé de quitter Aaron. Elle se rendait compte à présent combien sa vie était ancrée dans cette ville dans laquelle elle avait passé presque sept ans de sa vie et qu'elle pensait connaître comme sa poche. Ce qui était faux, car elle n'avait par exemple jamais emprunté cette route qui menait au Ryokan où Hiroki vivait à présent et qu'il voulait lui faire visiter. Shaé était heureuse de le revoir et de pouvoir échanger avec lui autrement qu'à travers un téléphone … C'était joyeusement qu'elle refermait la porte de sa voiture, après avoir attachée sa fille autour de sa poitrine à l'aide d'une écharpe de portage. Elle lui accordait un tendre sourire avant de se mettre en marche vers l'établissement et de repérer un Hiroki assis sur les marches. « Bonjour Hiro.  » Depuis le temps qu'ils se connaissaient, après ce qu'ils avaient partagé de douloureux, Shaé se permettait de l'appeler par un surnom, certaine que cela ne le dérangerait pas. Souriante à ses mots, elle le laissa contempler le bébé attaché contre elle. « Merci et oui, elle grandi trop vite ...  » Beaucoup trop vite, tant que Shaé avait toujours l'impression d'avoir manqué des moments de la vie de sa fille, de ne pas en avoir assez profité. « On va bien et on a fait bonne route ne t'en fais pas, la miss a dormi durant le trajet, la voiture a ce don là !  » Celui que parfois, de toute évidence elle n'avait pas. « Et toi comment tu vas depuis le temps ?  » Son regard brun se posait sur le sien, réellement intéressée par sa réponse. « Alors comme ça, c'est ici que tu vis ?  »

Le pouvoir de la voiture. Personnellement, je n’ai jamais aimé les voyages en voiture, du coup, j’étais plutôt infernal alors que l’avion m’endort. J’ai vraiment un souci avec les voitures. J’aime ma nouvelle moto, j’aime prendre l’avion, mais je hais les 4 roues. En même temps, c’est aussi ce qui a fait de ma seconde vie un enfer. Un sourire s’attarde cependant sur mon visage devant la petite fille et son regard intense. Elle est si belle. Elle ferait un beau bébé modèle. Peut-être que Shaé voudra bien que j’en fasse pour elle. « Je vais bien. » J’affiche un autre beau sourire. « Vraiment. » Même si Yosuke me manque, j’ai repris du poil de la bête après tout. Je regarde le domaine avec elle avant de me mettre en route. C’est grand, on a beaucoup de choses à voir et puis, il faudra que je lui fasse un bon thé après, lui montrer notre petite maison. « Hn ! Mon frère est le gérant. Il est reparti au japon pour quelques mois. » J’enfonce mes mains dans mes poches, avant de voir son air surpris. « J’ai retrouvé mon faux jumeau grâce à un ami. C’était assez… inattendu, mais il est arrivé quand je commençais à sombrer vraiment et ça m’a sauvé je crois. » Je souris encore tout en marchant à ses côtés pour lui montrer l’hôtel. Ce n’est pas la partie que je préfère du domaine à vrai dire. Je suis amoureux des jardins et du lac artificiel. « J’ai ouvert ma propre galerie ! » Je la regarde. « Aaron m’a aidé, parce que à 21 ans, j’avais pas vraiment de… poids devant les gens, mais c’est fait, et j’ai déjà vendu deux photos ! Bon, c’est qu’un début, mais ça reste un début ! » Je hoche la tête, heureux. « Et toi alors ? Ça a été durant… ton break ? » Je regarde les employés en souriant avant d’entrer dans l’hôtel pour lui montrer l’intérieur.

Le temps de quelques secondes, juste devant l’établissement, l’italienne se permettait de contempler les lieux dans lesquelles elle venait d’arriver aux côtés de son hôte, Hiroki. Le silence ambiant annonçait un univers calme et ressourçant qui plaisait déjà à la jeune femme. Mais pas le temps de s’attarder, l’hôte des lieux se mettait déjà en marche et sans rechigner, Shaé le suivit pour pénétrer à l’intérieur de l’hôtel. Sur le chemin, le plus banalement du monde, alors qu’elle explorait du regard les différentes pièces qu’ils traversaient, Hiroki lui expliqua que le gérant de l’établissement n’était autre que son frère, un faux jumeau retrouvé grâce à un ami. « Attends ! » Shaé s’arrêtait nette dans sa marche, abasourdie. Inattendu avait-il dit ? Un faible mot pour une si grande nouvelle. « Ton faux jumeau ? Tu as dit retrouver, tu savais pour son existence ? » C’était fou, le genre de chose qui ne se produisait que dans les films. Comment l’avait-il vécu ? Comment le vivait-il ? Ce n’était tout de même pas rien, ça ne méritait pas qu’une banale phrase en chemin … Et pourtant, elle reprenait le cours de la marche pour ne pas le mettre mal à l’aise en braquant les lumières sur lui et cette histoire. Il n’était pas obligé de tout lui dire, elle était simplement surprise … « Il m’en a un peu parlé, je suis contente pour toi, c’est une super nouvelle. D’ailleurs tu me donneras l’adresse que je vienne voir ça ! J’apporterai le champagne ! » Un sourire aux lèvres, l’italienne entrait dans l’hôtel, le précédent alors qu’il lui posait une question sur son état d’esprit durant le break. Alors c’était ainsi qu’il l’avait compris ? « Ce n’est pas un break Hiroki, c’est une rupture … » Ferme et définitive ? C’était ce dont elle essayait de se convaincre jour après jour, c’était ce dont elle souffrait jour après jour quand bien même sa voix n’avait pas failli, combien même son regard ne lâchait pas une nuance d’amertume, de douleur. « Ça a été difficile … Mais il paraît que le temps guérit les blessures … » D’un faible sourire, elle tournait sur elle-même. Parler de cette période restait difficile, douloureuse et Shaé préférait faire distraction. « C’est vraiment sympa et ça a l’air tellement calme … Rien à voir avec la ville »

Je m’arrête à ses côtés lorsqu’elle me demande d’attendre avant de la regarder, presque incrédule afin de comprendre ça. Je papillonne des yeux jusqu’à sa question qui me fait sourire tendrement. « Non… Non, je l’ignorai parfaitement, mais j’ai compris pourquoi j’avais un vide immense incapable de guérir sans lui. » Par tous les moyens, j’ai essayé de le combler, mais il va mieux seulement depuis que j’ai retrouvé Yosuke. La vie est drôlement faite parfois, mais je suis vraiment heureux que les choses se soient déroulées ainsi. Le destin peut être surprenant. « Champagne sans alcool alors. » Je sais, je casse toujours un peu l’ambiance pour ça. Les gens me trouvent peu attrayants avec mon mode de vie trop sain, trop « moine », et ils ont du mal à se dire que j’ai pu être un ancien delta. Je n’y étais juste pas pour les beuveries.

On arrive à son couple et je la regarde en reprenant la marche à ses côtés. Une rupture, oui, je sais que c’est une rupture, mais je parlais de son break avec Los Angeles surtout, après tout, elle est revenu. « Aaron n’a sans doute pas été parfait, mais au moins, je sais qu’il vous aime. » Il aime sa fille, et il aime Shaé d’une façon ou d’une autre. Je n’ai juste pas à juger et les laisser faire leur vie en offrant une épaule quand ils ont envie ou besoin.

« Le temps ne guérit rien. » C’est une idée tellement fausse. « Mais nous, on peut le faire pour nous-même. » Je lui offre un autre sourire et traverse l’hôtel avec elle. « Ce n’est pas la meilleure partie. » Je pousse une porte afin d’aller aux jardins avec elle, mais surtout vers le lac où les saules pleureurs caressent l’eau avec une lenteur exquise. « Ici… c’est parfait. » Ma main se lève pour caresser la joue de Valentina. « Je ne pensais pas qu’une femme pouvait être plus belle que toi, mais Valentina nous prouve le contraire. » Un petit rire m’échappe alors que j’avance sur le pont avec elles pour m’y arrêter et me pencher sur la barricade, bras croisés à observer les carpes et autres batraciens qui nagent dans le petit lac artificiel.