Rouges, ses lèvres. Elle les a soigneusement maquillées. Le crayon, d’abord, puis le bâton. Puis elle a assombri ses cils, dessiné ses sourcils, poudré son teint. Elle a même utilisé un peu de parfum, Lola, pour se préparer à cette soirée, et mis une jolie lingerie, sous la robe à sequins. Elle est prête, bien que d’humeur ronchon.
Rouges, ses escarpins, et ondulés ses cheveux, et lourd son coeur. Elle n’a pas envie d’aller à ce gala, mais elle s’y rendra, pour faire sourire sa mère, voir son beau-père acquiescer et croiser, peut-être, un Von Bodman, à qui extorquer le prêt de quelques appartements, pour l’association, ou une donation. Elle pouvait espérer...
Rouge, la couleur qu’elle a vue, en descendant dans le hall, plus tôt, lorsque son beau-père lui a demandé de changer de tenue, de porter quelque chose de plus féminin, de cesser, dans un jeu puéril, de provoquer sa mère. Elle la savait, pourtant, d’humeur fragile, alors pourquoi un costume, un choix si masculin ? Elle avait cédé, pourtant, mâchoires et poings serrés, avait revêtu une robe...
Rouge, la ligne qu’avait manqué de franchir ce beau-père, ce parrain, en posant sur elle un regard trop admiratif, qui s’était trop attardé sur ses maigres courbes et sa silhouette élancée, soulignées par la coupe de la robe. Elle lui avait lancé un regard assassin, qui n’avait fait que lui tirer un sourire amusé, mais elle s’était tue, en voyant arriver, dans le hall d’entrée, sa mère, ravissante dans une tenue de soirée qui la moulait comme une deuxième peau.
Rouges, presque, les cheveux de sa maman, criards, se disait Lola, à présent, visiblement teints, et elle la suivait des yeux, là-bas, dans la foule. Un verre à la main, elle contemplait le fourmillement des invités, là-dessous, depuis l’escalier menant à l’étage. Elle s’y était assise, et scannait la foule, à la recherche d’une raison de rester. Son parrain l’avait exhibée, sa mère s’était réjouie de la voir, puis tous deux l’avaient oubliée… Et elle, seule, restait là, à s’ennuyer.
Rouge, le thème de la soirée, et les robes des dames, leurs froufrous, leurs bijoux. Du plus sombre au plus pâle, toute une palette criarde, à laquelle la styliste ne s’accorde que par les chaussures, les lèvres et la pochette qu’elle a posée sur ses genoux, en terminant son verre de champagne. Toujours rien de bien intéressant, en bas...
Rouge, et ouillant, le sang qui bat à ses tempes, sous la peau, alors qu’elle soupire et appuie sa joue contre la balustrade glacée, en jouant du bout des doigts avec le pied de son verre. Ces soirées sont toujours d’un tel ennui, elle se demande bien ce qu’aime sa mère dans de tels moments, ce qui lui plaît tant, ce pour quoi elle l’y traîne. Sans doute dans l’espoir qu’elle croisera un prince charmant qui la rendra hétéro, grimace-t-elle, avec une moue dégoûtée.
Rouges, l’éclat d’un rubis, la couleur d’un vin, le satin d’une robe, autour des costumes sombres des messieurs. Elle sort de sa pochette un crayon et un petit bloc note, sur lesquels elle croque deux ou trois silhouettes, vagues idées de robes à retravailler, plus tard. Elle griffonne encore un peu, jetant ça et là un regard désabusé. Le simulacre d’orchestre, dans son coin, commence à s’accorder, au milieu du brouhaha des conversations.
Rouge, l’encre, sur ses doigts, qui la fait grimacer et sucer son index, puis son majeur, dans l’espoir de faire disparaître les taches. Elle range son cahier, son stylo à bille, et, dans ce mouvement, pestant à mi-voix contre les traits qui restent dessinés sur sa peau, elle l’entrevoit, du coin de l’oeil. Elle relève la tête, interloquée, puis le fixe, avide. Il lui tourne le dos, pourtant, et de son perchoir, elle ne le distingue pas bien mais elle croit bien que… oui… elle en est presque certaine… D’un mouvement vif, elle se lève et descend les escaliers, à sa recherche.
Rouges, ses joues, lorsqu’elle arrive près de lui, après avoir joué des coudes et s’être faufilée parmi les invités. Il lui tourne le dos, mais il s’adresse à une vieille demoiselle trop maquillée, poliment, et le son de sa voix la rassure : c’est bien lui. Alors elle glisse une main dans son dos, au creux de ses reins, et se coule prêt de lui, comme pour le sauver de l’entreprenante et riche célibataire.
« Bonsoir, madame… Bonsoir Abel ! Tu te cachais, mon cher ? »
@Abel P. Fox
Rouges, ses escarpins, et ondulés ses cheveux, et lourd son coeur. Elle n’a pas envie d’aller à ce gala, mais elle s’y rendra, pour faire sourire sa mère, voir son beau-père acquiescer et croiser, peut-être, un Von Bodman, à qui extorquer le prêt de quelques appartements, pour l’association, ou une donation. Elle pouvait espérer...
Rouge, la couleur qu’elle a vue, en descendant dans le hall, plus tôt, lorsque son beau-père lui a demandé de changer de tenue, de porter quelque chose de plus féminin, de cesser, dans un jeu puéril, de provoquer sa mère. Elle la savait, pourtant, d’humeur fragile, alors pourquoi un costume, un choix si masculin ? Elle avait cédé, pourtant, mâchoires et poings serrés, avait revêtu une robe...
Rouge, la ligne qu’avait manqué de franchir ce beau-père, ce parrain, en posant sur elle un regard trop admiratif, qui s’était trop attardé sur ses maigres courbes et sa silhouette élancée, soulignées par la coupe de la robe. Elle lui avait lancé un regard assassin, qui n’avait fait que lui tirer un sourire amusé, mais elle s’était tue, en voyant arriver, dans le hall d’entrée, sa mère, ravissante dans une tenue de soirée qui la moulait comme une deuxième peau.
Rouges, presque, les cheveux de sa maman, criards, se disait Lola, à présent, visiblement teints, et elle la suivait des yeux, là-bas, dans la foule. Un verre à la main, elle contemplait le fourmillement des invités, là-dessous, depuis l’escalier menant à l’étage. Elle s’y était assise, et scannait la foule, à la recherche d’une raison de rester. Son parrain l’avait exhibée, sa mère s’était réjouie de la voir, puis tous deux l’avaient oubliée… Et elle, seule, restait là, à s’ennuyer.
Rouge, le thème de la soirée, et les robes des dames, leurs froufrous, leurs bijoux. Du plus sombre au plus pâle, toute une palette criarde, à laquelle la styliste ne s’accorde que par les chaussures, les lèvres et la pochette qu’elle a posée sur ses genoux, en terminant son verre de champagne. Toujours rien de bien intéressant, en bas...
Rouge, et ouillant, le sang qui bat à ses tempes, sous la peau, alors qu’elle soupire et appuie sa joue contre la balustrade glacée, en jouant du bout des doigts avec le pied de son verre. Ces soirées sont toujours d’un tel ennui, elle se demande bien ce qu’aime sa mère dans de tels moments, ce qui lui plaît tant, ce pour quoi elle l’y traîne. Sans doute dans l’espoir qu’elle croisera un prince charmant qui la rendra hétéro, grimace-t-elle, avec une moue dégoûtée.
Rouges, l’éclat d’un rubis, la couleur d’un vin, le satin d’une robe, autour des costumes sombres des messieurs. Elle sort de sa pochette un crayon et un petit bloc note, sur lesquels elle croque deux ou trois silhouettes, vagues idées de robes à retravailler, plus tard. Elle griffonne encore un peu, jetant ça et là un regard désabusé. Le simulacre d’orchestre, dans son coin, commence à s’accorder, au milieu du brouhaha des conversations.
Rouge, l’encre, sur ses doigts, qui la fait grimacer et sucer son index, puis son majeur, dans l’espoir de faire disparaître les taches. Elle range son cahier, son stylo à bille, et, dans ce mouvement, pestant à mi-voix contre les traits qui restent dessinés sur sa peau, elle l’entrevoit, du coin de l’oeil. Elle relève la tête, interloquée, puis le fixe, avide. Il lui tourne le dos, pourtant, et de son perchoir, elle ne le distingue pas bien mais elle croit bien que… oui… elle en est presque certaine… D’un mouvement vif, elle se lève et descend les escaliers, à sa recherche.
Rouges, ses joues, lorsqu’elle arrive près de lui, après avoir joué des coudes et s’être faufilée parmi les invités. Il lui tourne le dos, mais il s’adresse à une vieille demoiselle trop maquillée, poliment, et le son de sa voix la rassure : c’est bien lui. Alors elle glisse une main dans son dos, au creux de ses reins, et se coule prêt de lui, comme pour le sauver de l’entreprenante et riche célibataire.
« Bonsoir, madame… Bonsoir Abel ! Tu te cachais, mon cher ? »
@Abel P. Fox