(JoLice) la mélodie du bonheur

Il tient le petit contre son torse tout en fredonnant les chansons qu'il aime. Celles qu'il réclame le plus souvent lorsqu'il est appelé à la rescousse ou qu'il a juste la chance d'avoir du temps à passer avec eux en journée. Il adore Tom et il pourrait le kidnapper plus souvent que ça ne le gênerait pas, même si les gens se disent que c'est normal, vu qu'il n'est qu'un tonton parmi les autres et pas un parent en manque de sommeil. Mais il en crève d'envie, d'avoir une famille alors, peut-être que même les côtés là, il les jalouse sans l'avouer, parce qu'au moins, ils existent, parce que la famille existe.

Il arrive le déposer doucement dans le lit, la tête sur l'oreiller et le couvre doucement en reprenant la guitare pour pianoter des notes douces afin de le maintenir dans le pays des songes et de Morphée. Il ne sait pas vraiment non plus combien de temps a pu s'écouler, il est bien, là, à observer le petit loup dormir comme si tout était simple, apaisé, tranquille. Un sommeil qu'il n'a pas eu depuis longtemps, mais ça le fait sourire, de regarder le garçon qui sert son doudou, perdu dans ses rêves. Alice vient le rechercher et il hoche sa tête doucement, se redressant en grimaçant malgré les cachets qu'il a avalé une heure plus tôt. Il sort en silence, posa sa guitare et avance pour la rejoindre.

« Je te sers quoi ? Une tisane ou une vodka ? » « J'aurai bien pris de l'alcool, mais il faut que je rentre après et.. Je préfère ne tuer personne, » avoue-t-il dans un sourire. « Une tisane, comme toi, ça fera l'affaire ! » Même si ce n'est pas son fort d'ordinaire, de temps en temps, ça fait du bien quand même. Elle le regarde, puis vient se nicher dans ses bras. Il l'enlace, pose sa tête contre la sienne et les berce doucement, incapable de rester statique à cause des douleurs. « J'ai l'impression de vivre un cauchemar... » « Tu es une mère célibataire ma belle... Bien sûr que parfois, c'est un cauchemar. » Les gens qui veulent lui faire croire le contraire sont hautement hypocrites. Elle n'a jamais de moments de pause, à moins de le confier à quelqu'un, et même pour ça, elle doit sans doute culpabiliser au lieu de prendre soin d'elle.

Josh remonte doucement ses grandes mains sur les bras d'Alice, avant de les déposer sur ses joues pour les caresser tendrement. « Venez vivre avec moi. Je prendrai soin de vous. » Même avec les tournées, il pourra s'arranger, prendre le petit régulièrement, payer une nounou pour l'aider, il a de l'argent, ça ne va pas l'étouffer, au contraire. « Ne dis pas non par orgueil, tu y penses, okay ? Tu pourras faire tout ce que tu veux, les soucis financiers en moins, le partage des tâches parentales en plus. » Il sourit à sa belle brunette avant de la reprendre dans ses bras en lui caressant le dos doucement. « ça me fera du bien aussi d'avoir de la vie à la maison... et le penthouse est assez grand pour trois. »

Le réconfort qu'Alice trouve dans les bras de son ami vaut tout l'or du monde à cet instant. Josh a toujours été compréhensif, peu importe les épreuves que traversait Alice. A vrai dire, il a toujours été là, simplement. Il est de ses personnes pour lesquelles les amis sont importants. Une valeur que partage Alice, qui fera toujours passer sa famille et ses meilleurs amis avant tout le reste. Avant l'amour, même.

Entendre Joshua relativiser lui permet de se retrouver quelques plumes. Haussant les épaules, elle songe à tous ces parents qui semblent ne jamais faillir à leur mission parentale. A toutes ces mères célibataires, comme elle, qui semblent éprises de leur enfant comme s'il s'agissait de la huitième merveille du monde. Pourquoi cela devrait être si fort chez tant de ces femmes et si fragile chez elle ? Le mythe de l'amour maternel qui devrait être inné à chaque femme a malheureusement la dent dure, dans une société où l'enfant se place en roi du foyer. « Parfois il m'arrive de regretter… » Regretter d'avoir été au bout de cette grossesse, alors que les signaux étaient tous au rouge. Mais regretter cela signifierait regretter la présence de Tom dans sa vie, et malgré toutes les difficultés éprouvées par Alice, elle serait la plus malheureuse si son fils disparaissait désormais de sa vie. Un sentiment aussi compliqué qu'inexplicable par la jeune femme. Elle se dit que personne ne pourra jamais la comprendre. Pas même un thérapeute.

Un moment plus tard, comme pour couper les pensées sombres d'Alice, Joshua redouble de tendresse à son égard. Ses prunelles bleues viennent croiser celles, noisettes et rassurantes de son ami. Il lui propose d'emménager chez lui avec le petit, ce qui lui procure sur l'instant un soulagement énorme. Savoir seulement qu'une personne est là pour soi, qu'elle ne vous laissera pas tomber. Cela n'a pas de prix aux yeux de la jeune femme. « Je t'aime, tu sais ? » Murmure-t-elle alors, pleine de considération. Néanmoins, la réalité la rattrape, ainsi que son tempérament indépendant. « Mais je ne peux pas déménager. Tom… Je ne veux pas changer ses habitudes, même s'il t'adore. Et puis tu le sais… Je n'aime compter que sur moi. » Son éducation, ou plutôt son manque d'attention de la part de sa mère, lui avait par la force des choses appris à être débrouillarde. Dépendre d'un individu pour quelque raison que ce soit lui semble inconcevable.

Elle finit par s'écarter de Joshua pour se diriger vers la cuisine et verser un peu de la boisson relaxante dans une tasse. Après l'avoir confiée  à son ami, elle s'installe sur son canapé et prend un temps avant de prononcer ce nouvel aveu. « Je ne te l'ai pas encore dit mais je ne suis plus seule avec Tom, depuis quelques jours… » Elle scrute Josh, se demande comment il va réagir. « Riley est réapparue. J'ai accepté qu'elle vive ici. »

« Je t'aime, tu sais ? » Il sent le mais venir, parce que ce genre de phrases comporte toujours un mais, qui ne sert à rien selon lui, mais qui va aussi un peu le vexer et en même temps, il la connaît, il sait qu'elle aura du mal à ne plus être Miss Indépendante qui y arrive. Mais accepter de l'aide, est-ce que ça rend vraiment dépendant de l'autre ? Ce n'est pas une solution à long terme et il sait qu'Alice finira par rencontrer une bonne personne qui l'aimera à la hauteur de ce qu'elle mérite, mais si pour quelques mois, ça peut soulager et aider et faire en sorte que tout le monde va mieux, pourquoi s’enorgueillir ? « Mais je ne peux pas déménager. Tom… Je ne veux pas changer ses habitudes, même s'il t'adore. Et puis tu le sais… Je n'aime compter que sur moi. » « Oui, c'est plus la seconde raison qui fait barrage que la première, tu sais qu'il s'adaptera vite, les enfants sont comme ça. » Il était à l'hôpital à lutter pour survivre à ses blessures à trois ans. Les enfants sont résilients, ils s'adaptent et tant que l'environnement est sain pour eux, c'est ce qui compte à leurs yeux.

Il la suit à la cuisine et se pose contre un plan de travail pour attraper la tasse qu'elle lui tend et humer l'odeur douce et sucrée qui s'échappe de l'eau chause. « Je ne te l'ai pas encore dit mais je ne suis plus seule avec Tom, depuis quelques jours… » Il hausse un sourcil. Elle a un Jules et elle ne lui a pas encore dit ? D'un côté, ça serait bien pour elle, de l'autre, il voudrait valider le mec avant que... « Riley est réapparue. J'ai accepté qu'elle vive ici. » Josh l'observe intensément avec son regard entre la noisette et le chocolat. « Je sais. Je l'ai vu, au Jody's... » avoue-t-il doucement. « Elle ne pensait pas que j'y serai, mais on s'est retrouvés face à face. »

Il souffle sur le liquide fumant et boit un peu avant de regarder la brunette tendrement. « Je ne savais pas qu'elle avait atterri ici. » Il aurait fait pareil sans doute. Parce que d'aller sonner à la porte d'Andy ou de celle de Teru aurait fragilisé son égo de mâle. Il le sait bien. Alors que venir dans les bras de sa meilleure amie, c'est réconfortant. On ne se sent pas aussi faible. Vulnérable oui, mais pas aussi faible. Et tout est déjà assez difficile pour qu'en plus, il ne se sente diminué. « ça m'a juste montré que je l'aime encore. » Son éternel défaut. Quand il commence à aimer, il n'arrive pas s'arrêter. « Au moins, elle est de retour. »

Lorsqu'elle évoque Riley, il sait bien qu'elle prend des pincettes, parce qu'elle sait comme il reste attaché à elle malgré les années qui sont passées. C'est vrai qu'il aurait aimé qu'elle vienne le voir directement, qu'elle l'appelle, qu'elle lui demande de l'aide. Est-il autant inaccessible à cause de son statut ? Pourtant, Alice, elle n'hésite pas vraiment à lui faire un message par rapport à Tom ou même elle, si jamais elle a besoin de quoi que ce soit. Mais avec le temps, peut-être que Riley n'a vu que sa célébrité ou alors, qu'elle a réellement tourné la page sur ce qu'il représente. Qu'elle arrive à faire ce que lui, n'arrive jamais réellement faire. « Es-tu encore amoureux d'elle, ou du souvenir d'elle Josh ? » Il pose un regard intense sur son amie. Il la fixe silencieusement, presque religieusement, presque malsainement, sans le vouloir. Il n'a pas besoin de réfléchir à sa réponse, il la connaît quand même, mais parfois, il aimerait qu'Alice ne soit pas aussi franche et transparente.

« Bien sûr que j'aime son souvenir. Je ne peux pas être pleinement amoureux de qui elle est maintenant, elle a changé. » Lui aussi. Ils ont tous changé. Malgré tout. « Mais quand je l'ai vu, j'ai su que j'aimais toujours son physique, sa voix, son sourire, ses sourcils qui se froncent quand elle est inquiète, le ton qu'elle emploie quand elle veut me questionner. Je n'ai rien oublié, j'ai l'impression que même si elle a changé, je l'aimerai quand même. » Parce qu'elle reste son premier amour. Le grand, le beau, celui qui l'a rendu assoiffé vis à vis de ça. Il veut plus que ce qu'il a connu jusqu'ici. Il veut de l'amour, il veut des enfants, il veut un mariage, un vrai mariage. Il veut ce que Teru pourrait avoir avec Héloïse s'il arrêtait d'être égoïste à le vouloir pour lui aussi. Il veut ce que la vie refuse de lui donner. Déglutissant lourdement, il tourne sa tête et observe le couloir en écoutant les bruits, content que Tom ne dorme vraiment.

« Si tu savais comme elle m'a manqué Alice... » avoue alors le musicien pour la première fois depuis des années. « Et elle est venue vers toi. Elle m'a vu par hasard en pensant que je ne serai pas là. Elle ne voulait pas tomber sur moi. » La pilule est dure à avaler. Il boit pour aider sa gorge à se dénouer. « Je ne suis plus celui vers qui elle va quand ça ne va pas... Et je hais ça. » Il l'observe en voulant ajouter : ma vie n'a plus de sens, mais il se retient, sachant parfaitement que sa meilleure s’inquiétera. Un soupir le prend et il secoue sa tête. « J'ai besoin d'une photocopie de tes papiers d'identité. Je t'ai mise sur mon testament avec Tom, mais j'ai besoin de ça pour que ce soit bien pris en compte. » Qu'il dit, pour changer complètement de sujet. Ses parents, Teru, Alice, Andy. Ils y sont tous, ils pensent à rajouter Riley maintenant, malgré tout.

« Ne dis pas de bêtise, si elle est passée par le studio c'est qu'elle nourrissait un espoir de te voir, consciemment ou pas » « On sait tous que j'ai plus de chance de pas y être que d'y être... » Parce qu'il n'a plus la même intimité là-bas, que dès qu'il s'y pose, les employés du Jody's le réclame pour la moindre chose et si une fan l'aperçoit dedans, adieu la tranquillité, et en même temps, il ne peut pas repousser les gens qui lui permettent d'être sur scène. « Je suis persuadée qu'elle est toujours la même au fond et qu'elle tient toujours à toi, mais elle doit avoir besoin de reprendre ses marques et l'amour… c'est tellement fragile »  Il sourit en coin quand elle dit ça. Pour le coup, elle n'a pas vraiment tort, ça va, ça vient, c'est éphémère, durable, puissant, inconstant, fidèle, infidèle, permissif, abusif, fragile et fort à la fois. L'amour, c'est tout et son contraire en même temps, ce n'est qu'une question de perspectives après tout. Mais il sait aussi qu'il n'est plus le grand amour de Riley, c'est cette autre personne qui l'est et qu'elle doit encore avoir dans la peau. Il ne peut pas lui reprocher. Il était incapable de choisir à la fin entre elle et Teru et il l'a laissé partir pour ne pas la briser.

Il passe du coq à l'âne pour ne plus souffrir en parlant de tout ça, et parce que c'est aussi encore trop frais malgré tout. « Ca va pas la tête, Josh ? Je m'en fiche d'y apparaître sur ton testament, et Tom encore plus. Et puis qu'est-ce qui te prend de te pencher là-dessus ? T'as pas encore une seule ride ! » Il se doutait bien qu'elle allait lui faire une vie avec ça, il boit un peu, terriblement calme, avant de se mettre assis quand son dos commence à le faire souffrir. Il attrape un antalgique dans sa poche et l'avale rapidement avant de boire à nouveau. « Je sais que je n'ai pas de ride et que ça semble jeune. Mais on ne sait jamais ce que la vie peut réserver. J'ai juste envie d'être prudent, rien de plus. C'est mon conseiller financier qui me l'a proposé. » Ce qui est vrai pour le coup, ce n'est pas venu par lui-même. « Je ne suis pas Jeff Bezos, mais je commence à avoir de quoi faire dans la vie, je n'ai pas envie que ça soit mal réparti ou éparpillé de la mauvaise façon. » Même si les gens dans son entourage ne risquent pas de faire ça, on ne sait jamais. « Tu veux bien, juste m'envoyer tout en mail quand tu ne bouderas plus à l'idée ? C'est simplement de la prévention. Je sais que tu t'en fiches, mais ça me ferait vraiment plaisir, s'il te plaît. » Ses amis, ce sont eux sa famille après tout.

Alice ne peut pas en vouloir à Joshua de voir le verre à moitié vide concernant Riley. Il a souffert autant qu'elle suite à la disparition de la belle blonde, d'une façon cependant foncièrement différente de par la nature différente de leur relation respective. Alice a toujours été profondément optimiste dans sa vie, et pourtant c'est bien l'amour et toutes ses déclinaisons qui l'ont parfois mise au plus mal. Qu'il s'agisse de l'amour d'un parent absent, d'une femme ou d'un homme qu'elle a surestimé ou encore de son fils qu'elle a encore du mal à apprivoiser. La jeune femme ne jettera donc pas la pierre sur Josh et se contente de soupirer en le regardant un instant, sans plus rien rajouter.

Il est difficile pour elle de jauger si le cas Riley a pu contribuer à l'emmener sur ce terrain funeste de l'édition de son testament. Elle ne l'imaginait pas broyer autant du noir, du moins c'est bien une raison pour établir ce genre de document à leur âge, non ? Elle n'arrive pas à concevoir qu'il le fasse seulement en guise de prudence pour une vie pleine d'aléas, et parfois de souffrances, de stress… Rappelons qu'Alice est positive. « Ton conseiller financier se fait combien d'argent sur ton dos dis-moi ? » Elle s'imagine que ça doit couter un certain prix, tous ces pseudos conseils. Alors certes, comme son ami le dit, il a mis de côté assez d'argent, néanmoins elle n'est décidément pas prête à faire partie de ce cheminement. « Oh je t'en prie Josh… C'est glauque » Finit-elle par dire, en frissonnant à moitié.

Elle est pourtant de ces femmes qui sont attirées par l'argent, qui pensent qu'il contribue très largement à une vie épanouie. Mais elle préférerait largement se faire cet argent toute seule ou, à la limite, le tirer d'un riche époux qu'elle aurait malignement attiré dans ses filets. Les amis et la famille sont ce qu'elle a de plus important et aucun vice de ce genre ne devrait s'intercaler entre eux et elle. A-t-il oublié à quel point elle est têtue ? « J'ai dit que je n'en voulais pas. Donne plutôt à des associations, c'est très Phi Epsilon ça non ? » Son ancienne confrérie, celle des sages et des érudits qu'elle ne fréquentait presque pas, voire… pas du tout, à l'exception de Joshua.