MARCHAND DE SABLE SOUS COCAINE

MARCHAND DE SABLE SOUS COCAINE
ft.  @Andreas Klein

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L’Aston Martin avait avalé les kilomètres à une vitesse très lente. Jamais Adélaïde n’avait roulé si lentement et pour cause, elle n’était pas elle-même. Naturellement travaillée par sa grossesse, son sommeil s’en trouvait tout perturbé et une crise de somnambulisme l’avait levée du lit. Rien ne l’avait réveillée : ni ses pieds nus dans le parking sous-terrain, ni le frisson arraché à sa peau nue quand elle s’était assise derrière le volant… dormez à poil qu’ils disaient, excellente idée ! Sans raison apparente, la seule chose qu’elle avait enfilé avant de quitter son loft était un bob, de ceux qu’on garde pour faire les cons entre amis. Pour le reste, elle était dans son plus simple appareil lorsqu’elle arrivait par miracle sur le parking de la résidence d’Andreas.

Pur réflexe : elle cherchait à se garer où il se garait d’habitude mais force était de constater que l’Aston Martin était trop large pour se glisser dans la place à côté de la sienne… à moins de volontairement se coller au point de rayer profondément les deux véhicules. Opel et Aston étaient dans un sale état. Toujours pas de quoi la réveiller en revanche. Les minutes défilaient, peut-être même une bonne heure avant qu’elle ne se décide à bouger de nouveau. La sortie du véhicule était tout aussi épique que la conduite. Coup de portière sur coup de portière, elle avait fini par comprendre qu’il était préférable de sortir par de l’autre côté au lieu de continuer d’enfoncer la carrosserie de la voiture d’Andreas.

Dans son malheur, par chance, elle n’avait jusqu’alors croisé personne. Face à la porte d’entrée de l’appartement d’Andreas, elle restait un moment sans bouger, le sommeil semblant l’emporter de nouveau. En équilibre précaire sur ses pieds, son corps avait le réflexe de la faire s’agenouiller. De nouveau le silence, le calme, jusqu’à ce qu’elle se mette à littéralement gratter la porte d’entrée. De quoi faire flipper n’importe qui, ainsi invisible dans le judas de la porte tant elle était proche du sol. De quoi faire flipper une invitée d’Andreas pourtant prête à se laisser aller dans ses bras. « Putain, c’est quoi ça ?! »

Les grattements à la porte n’avaient rien de régulier. Ils s’arrêtaient, reprenaient, s’intensifiaient. La lourdeur de sa main l’amenait parfois à gratter sa propre cuisse. Son sommeil était profond, son visage complétement incliné vers le sol, à tel point qu’elle n’entendait pas le vacarme produit par la surprise de sa présence. La voix féminine lui semblait si lointaine qu’elle ne percevait pas ce qu’elle disait. La fraîcheur de la nuit mordait sa peau tandis que celle d’Ivy se glaçait. Coupés dans leurs élans d’amoureux d’une nuit, elle n’était naturellement pas ravie de la présence de la blonde, moins encore quand Andreas la présentait comme sa meilleure amie. « Complétement timbrés. » Lâchait-elle pour les décrire tous les deux tant elle était vexée qu’il puisse l’abandonner si brusquement au profit d’une meuf débarquée de nulle part. L’ego touché, elle disparaissait aussi vite qu’Adélaïde était apparue.

Adélaïde dont le corps se réchauffait doucement sous le plaid après s’être mollement installée sur le canapé. Ses iris grands ouverts pourraient laisser croire à sa conscience mais l’absence d’étincelle dans son regard renforçait l’idée qu’elle n’était pas là… ou pas vraiment. Ses oreilles, elles, entendaient et le rire d’Andreas entraînait le sien, un court instant, bien assez pour que le soubresaut du rire ne fasse pencher son corps en avant, son buste se retrouvant littéralement sur ses genoux : la souplesse de la danseuse n’était plus à démontrer. Un instant de silence s’en suivait. Dans cette position particulièrement ridicule, sa cage thoracique était compressée et elle se mettait alors à ronfler. Une vibration telle qu’elle grimaçait de gêne à chaque ronflement, comme si la sensation lui était désagréable. Puis, enfin, elle se mettait à marmonner… « C’est cassé. » […] « Tut ! » oui, tut, comme le klaxon sur lequel elle avait appuyé plusieurs fois lors de sa conduite, réminiscence certaine. « Papa va me gronderrrrrr. » est-ce qu’elle était sur le point de pleurer comme une enfant ? Ce n’était pas impossible.

Elle ne pleurait pas vraiment. Ses gémissements ressemblaient plus à du chouinage qu’à de réels pleurs. En outre, pas de quoi la réveiller, bien peu consciente que son ami était en train de la filmer (pouvait-elle continuer à l’appeler ami d’ailleurs compte tenu de la situation ?). En revanche, elle distinguait parfaitement ce qu’il était en train de dire. Emrys allait être furax mais sa petite escapade dénudée resterait entre eux. Un soubresaut, de rire cette fois, secouait un instant son corps avant qu’un lourd soupir ne vienne passer le seuil de ses lèvres, conséquence immédiate de cette position qui l’empêchait de respirer correctement.

Si bien que l’inconfort la faisait de nouveau bouger. Elle se penchait sur le côté, son corps atterrissant sur le sofa (un peu de travers et bien tassé, on ne va pas se mentir), adoptant ainsi la position du fœtus, celle qu’elle prenait régulièrement pour s’endormir. Le plaid la recouvrant lui procurait une chaleur enveloppante qui semblait la replonger dans un profond sommeil. Ainsi recroquevillée, son souffle s’écrasait dans le cou d’Andreas tandis qu’elle murmurait quelques mots. « Il est là le bébé ? » question qui n’attendait aucune réponse mais fort révélatrice de ce qui perturbait son sommeil et avait enclenché cette crise de somnambulisme : cette grossesse surprise qu’elle avait toujours du mal à concevoir. « Il est où ? » … « Papa veut pas... Valentina… nooooooon… » un enchaînement de mots, comme si elle entraînait une conversation avec quelqu’un.

Seulement voilà, à force de parler, elle s’entendait et le froncement de ses sourcils soulignait qu’elle était en train de se réveiller. « Mais tais-toi, je dors là ! » Aucun souvenir, pas même de ne plus être dans son lit. A tel point que dans sa tentative de se retourner pour se rendormir, elle flirtait avec le vide, lui faisant brusquement ouvrir les yeux. « Oh put… » Trop tard, elle venait de s’étaler sur le sol dans un bruit sourd à côté d’Andreas. Par réflexe, elle se retournait sur le dos, une grimace sur le visage en se tenant le bras sur lequel elle venait d’atterrir (heureusement sans grand dégât, elle s’en sortirait sûrement avec un gros bleu). Si ses iris étaient ouverts, ses paupières papillonnantes laissaient comprendre qu’elle était complétement paumée dans l’espace et le temps, comme de nombreux somnambules. « Je... qu’est-ce qui se passe ? » Est-ce qu’elle s’était seulement rendu compte qu’Andreas était là ? Non pas encore.