pas de chichi, pas de chacha

J'ai froid.
J'ai chaud.

Soif. Mal de tête. Gueule de bois. Putain mais qui c'est qui sonne à heure pareille? On zieute le réveil. 6:45? Le respect est mort.

Je râle. Je grogne. Quel enculé a décidé de me faire chier un samedi matin, putain? C'est un des trucs que j'aime le moins, dans ce pays à la con: personne respecte Shabbat. Moi non plus, ok, mais quand même ... Moi j'ai le droit.

J'fais la gueule, pour changer, et je m'habille pas non plus. Je prends l'drap, quand même, parce qu'il caille sa mère à mémé. (Pardon mémé...)

« Calm down, ducon, i'm coming ... »

Ouais, j'suis de mauvaise poil ... Et alors?

Sur le chemin vers la porte d'entrée, je trébuche sur le pantalon de la veille. Je manque de m'casser la gueule.

« SALOPERIE DE FUCKING PUTAIN DE SHIT! »

Ça commence mal toutes ces conneries. Je déteste les matins. Putain de shit de merde.
La porte continue de sonner.

« J'A-RRIVE, BORDEL! »

Je l'ouvre enfin, cette saloperie de porte. Cette connasse a l'audace de grincer pour bien me réveiller de bon matin.

« C'est quoi le purpose de tout ce effing noise? »

Ça se voit sur ma gueule que je suis de bonne humeur?

06:17 – Les nausées semblent interminables et Anastasia n'en est qu'au deuxième mois de grossesse. Encore sept long mois à tenir alors qu'un tas de cellules grandit et parasite son corps. Un petit alien qui devrait finir par être un enfant. Son enfant.

Elle avait réussi à avoir un rendez-vous avec l'hypnotiseuse que lui avait recommandé Lisa contre les nausées, le premier de la journée à 8h30 à Santa Monica. Seulement il n'y a pas que le Dr Mayfair à Santa Monica. Il y a aussi Caleb, qu'elle avait rencontré à la fête foraine un jour qu'elle était sortie avec sa bande de copines quelques mois plus tôt. Caleb dont elle est désormais enceinte et qui n'en a pas la moindre idée. Son ventre se met à gargouiller en pensant à Caleb et une irrépressible envie de manger des pretzels commence à naître dans le cerveau d'Ana. Il devait probablement avoir des restes de la veille et ça ne lui ferait pas faire un grand détour. Elle attrapa son châle, son sac à main et les clés de sa voiture dans le vide poche du salon et se mis en route.

La grande blonde n'avait pas vu le jeune homme depuis près d'un mois, et ne pensait même pas le revoir un jour. En tout cas pas de son plein gré. Caleb est un vrai emmerdeur qui ne sait pas ce qu'il veut, il laisse traîner ses affaires partout, fume comme un pompier, mange les fromages les plus puants qu'elle n'ait jamais trouvé, passe son temps à dormir et ne semble jamais vouloir sortir pour juste se balader. Mais Caleb est aussi un vrai gentil. C'est le genre de personne qui vous aide sans attendre quoi que ce soit en retour, juste pour vous faire plaisir. Il n'est pas gentil parce que c'est ce qui est bien vu ou attendu, il est gentil parce que c'est naturel chez lui. Et Anastasia a beau râler autant qu'elle veut sur tous les défauts qu'il peut avoir, c'est ce qu'elle aime par dessus tout chez lui même si elle ne l'avouera jamais à voix haute à qui que ce soit. Ça, et ses pretzels aux cristaux de sel.

Elle sonne à la porte sans même vérifier l'heure qu'il est, ni même penser au fait que Caleb ne vit pas seul, et qu'elle réveille potentiellement deux personnes aux aurores un samedi matin. L'envie de pretzels reste plus forte que tout et elle continue de sonner jusqu'à finalement entendre du bruit de l'autre côté de la porte. Elle se retrouve alors face à un Caleb visiblement encore saoul de la veille, tout juste enroulé d'un drap et Ana entre sans même attendre d'y être invitée.

«Salut ! Il te reste des pretzels ? » Elle avance un peu plus dans le salon avant de rencontrer un pantalon au sol, et de réaliser qu'ils n'ont jamais été en couple, et qu'elle venait potentiellement de débarquer au pire moment possible, expliquant qu'il lui ait ouvert dans le plus simple appareil, uniquement couvert d'un drap. « Je te dérange pas au moins ? » Elle tend l'oreille dans l'espoir d'entendre le moindre bruit qui pourrait venir de sa chambre et risque un regard discret sans rien distinguer pour autant.

La façade s'écroule dès que mon regard croise le tien.

« Oh, c'est you? »

Ça s'voit sur ma tronche de cake que j'suis un peu paumé, la, tout de suite? J'comprends pas trop c'que tu fous là, en fait. Surtout pas à sept heures du matin pendant shabbat. C'est quand la dernière fois qu'on s'est vus déjà? Ah putain, ça date ... C'est moi qui devait t'appeler? Je me souviens même plus, bordel ... Ah merde, ouais, j'crois bien que c'est moi. C'est gênant un peu quand même. T'es venue pour me casser les couilles en plus, j'le sens. Ça va que t'es canon, au moins. D'ailleurs t'as changé un truc ou quoi? Parce que t'as l'air encore plus bonnasse que dans mes souvenirs.

« ... Des bretzels? » Attends, wesh, t'es sérieuse là? Tu veux dire que t'es venue me chercher dans la ville d'à côté pour me réveiller à sept heures du mat juste pour me demander à graille? Tu te fous de ma gueule là? J'me frotte les yeux mais ça se voit sur ma gueule à quel point je suis ravi de te revoir dans ces conditions, ou pas trop?

« Euh ... Bah tu m'as juste un peu woke up sans te gêner mais, non, other than that, tu déranges absolument pas du tout. » Tu l'entends mon sarcasme, au moins? Franchement t'as de la chance d'être aussi canon, c'est bien le seul truc qui te sauve là. Ça, et le petit espoir caché que si j'te donne c'que tu veux, tu me donneras c'que je veux ... Si tu vois c'que j'veux dire. Bah ouais, c'est que ça fait un moment, quand même. Oui, ok, y'a eu d'autres filles depuis mais ... C'est pas pareillllll. Tu le sais que c'est pas pareil en plus, j'en suis sûr. D'ailleurs comment ça s'fait que tu m'as pas appelé, là, pendant ... Quoi, un mois? T'as trouvé un autre boy toy pour s'occuper de tous tes besoins ou quoi? Pffft, j'suis sûr que c'est ça. Et même pas tu me le dis en face, en plus, t'abuses. Et en plus tu reviens juste parce que ton nouveau keum il sait pas faire des bretzels, j'la vois bien ta p'tite feinte hein. T'es vraiment incroyable, Ana. Si t'existais pas, il faudrait t'inventer.

Bah écoute, j'vais te le faire ton bretzel, mais surtout parce que j'ai la dalle et la gueule de bois et que j'dirais pas non à un bon p'tit bretzel bien chaud qui sort du four. Mais ne crois pas que je vais te faciliter la tâche, non non. Si tu veux vraiment ken un autre mec que moi, pas de soucis mais je vais pas t'offrir le luxe de pouvoir échapper à ce à quoi tu as renoncé.

C'est donc plutôt « distraitement » que je lâche mon drap par terre parce qu'au final tu m'as déjà vu à walp plein de fois donc plus besoin de se cacher, hein. Il est beau mon p'tit cul, hein? J'suis sûr que tu regrettes un peu de pas m'avoir appelé pendant un mois là, hein?

« Do comme chez toi, hein. » Non pas que j'avais vraiment besoin de te le dire, tu t'es déjà calée sur le canap' en mode reine du shabbat. T'as vraiment du culot, toi, on te l'a déjà dit. « I guess that you need une tasse de jus d'gazon? » Ouais j'commence à bien te connaître toi et tes habitudes à la con. Putain j'espère que j'ai pas tout foutu à la poubelle en vrai, c'est tellement dégueulasse ce truc, on dirait de la salade que tu fais macérer dans l'eau. Merde, merde, je l'ai foutue où déjà ta boite? Ah attends j'crois que ... Ouf, sauvé. Y'a encore un sachet, j'l'ai échappé belle. J'suis sûr que si j'en avais pas retrouvé tu m'aurais tapé une crise comme tu sais si bien en faire. Allez, on fait bouillir l'eau à la casserole parce que j'crois toujours pas aux bouilloires. « T'as l'air nice, en tout cas. » Combien de compliments je dois te faire pour que tu retires ton haut, tu crois?

Le bordel. Encore et toujours. En un mois rien n'avait changé et la jeune femme n'était pas particulièrement surprise. Elle s'abstint cependant de tous commentaires, elle n'était pas chez elle, ils n'étaient pas ensemble, et surtout elle débarquait à l'improviste un samedi matin à 7h. Il valait mieux y aller doucement. Maintenant qu'elle y pensait, elle aurait peut-être dû téléphoner avant, au moins par courtoisie... Il ne manqua pas de lui faire remarquer de manière sarcastique. « Oh tant mieux ! Tu devais pas être couché depuis longtemps de toute façon » Le canapé semblait avoir été épargné par les vêtements et autres emballages – à moins que ce ne fut des décorations?  Anastasia n'aurait su le dire.

Elle s'installa en tailleur sur le sofa alors que le cerveau du grand brun essayait encore de trouver un sens à la venue d'Ana. Elle aurait pu l'éclairer en suivant le conseil de Lisa et en lui avouant tout. Qu'elle était enceinte de lui, morte de trouille à l'idée de devenir mère comme ça, du jour au lendemain, qu'elle avait les hormones en folies et extrêmement chaud tout d'un coup ; c'était forcément les hormones, rien à voir avec le fait que cet idiot avait fait tomber le drap qui le couvrait jusque là. Elle était sûr qu'il l'avait fait exprès pour l'exciter, pour la tenter, mais elle n'était pas là pour ça. Pas aujourd'hui. Oui, elle aurait pu lui dire tout ça. Mais elle n'en avait pas envie. Elle voulait avoir cet enfant. Et si lui n'en voulait pas ? Elle n'avait pas envie d'entendre un laïus pour l'avortement, le fait qu'il n'est pas prêt à être père, qu'il n'a jamais voulu ça, qu'elle est égoïste de lui imposer ça. Alors elle ne dit rien. Dans tous les cas sa décision est déjà prise et rien ni personne ne la fera changer d'avis. Elle allait manger son bretzel en espérant que les nausées ne se joindraient pas à la fête pour lui gâcher son plaisir, puis aller à son rendez-vous avec le Dr Mayfair et enfin se rendre à l'hôpital pour son échographie de datation. Oui. C'était ça le programme et c'était parfait comme ça.

La voix de Caleb la tire de ses pensées alors qu'il lui propose du jus de gazon. « Du jus de gazon ? Elle réfléchit un bref instant. Oh, oui, je veux bien du thé, merci. » Elle n'avait même pas eu le temps de répondre que déjà il retournait ses placards dans tous les sens. Elle le détaillait de haut en bas et force était de constater qu'il faisait vraiment très chaud dans cet appartement. Ils avaient allumé le chauffage ou quoi ? Anastasia enleva son châle dans lequel elle était enroulée depuis son arrivée. Maintenant qu'elle était là, elle n'était plus si sûr de son idée de génie et maudissait ces envies qui la prenait subitement et l'obsédait totalement. « Le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder » avait dit Oscar Wilde, à tous les coups il vivait avec une femme enceinte à ce moment là.

« T'as l'air nice, en tout cas. » Ana n'était pas sûre de savoir s'il était sérieux ou s'il disait ça par politesse. Est-ce qu'il voyait déjà un changement sur son visage ? Le fameux pregnancy glow ? Ou peut-être qu'il admirait juste la vue qu'elle lui offrait bien qu'elle n'ait pas fait d'effort particulier. « Merci. T'as l'air en forme aussi. Ça fait plaisir de voir que tu vas bien, à défaut d'avoir eu des nouvelles... » Elle n'avait pas pu s'en empêcher. C'était toujours pareil quand elle était avec lui. La tension dans l'air faisait qu'elle ne pouvait pas se retenir d'être impertinente et de lui lancer des piques, en sachant pertinemment que ça risquait de lui revenir à la figure.

Ahahah, mais c'est que t'es drôle, toi, quand tu t'y mets! Tu la vois, ma gueule? Ça se voit que j'te trouve très drôle, là, en ce moment? Non? C'est normal.

« Ah ouais, you think? » Ça aurait été cool que t'y penses avant de me réveiller en plein shabbat, ça, en vrai. Mais bon. On ne te refait pas, visiblement: me casser les couilles de bon matin, c'était un peu ta spécialité. Je sais même pas pourquoi je suis surpris. J'frotte mon visage parce que j'suis toujours fatigué, quand même. Et j'bâille aussi pour la forme. Elles sont belles mes dents, hein? Ouais, fais pas genre, j'vois bien où il se dirige, ton regard. J'te ferai bien un p'tit show mais j'ai un peu des bretzels à cuisiner donc ce sera pour plus tard, hein. Mais t'inquiète pas, je n'oublierai pas de te donner de quoi te rincer les yeux. Faut bien te rappeler ce que tu rates après tout.

J'roule des yeux quand tu fais genre que tu sais pas de quoi je parle. C'est flatteur, dis moi: on dirait que t'as déjà tout oublié des moments qu'on a partagé ensemble. Moi, j'ai rien oublié, pourtant. Difficile d'oublier une meuf aussi chiante que toi, après tout. Et le plus chiant c'est que je suis quand même content de te voir, là. J'le montre pas, faut pas abuser non plus, mémé mérite pas d'être poussée dans les orties. Mais ouais. J'sais pas. C'est bizarre. Mais te voir là, ça me pousse à me demander pourquoi j't'ai pas appelée, ces dernières semaines. Ou pourquoi tu m'as pas appelé, toi non plus. Mais bref.

J'attends même pas ta réponse pour te le préparer, ton « thé », parce que je te connais bien maintenant, quand même, et probablement mieux que tu ne le crois. J'fouille un peu partout, même dans les placards du bas alors que je sais que y'a jamais rien à graille là d'dans, parce que j'me dis que tu vas en prendre plein les yeux et autant te donner le petit spectacle que tu désires très certainement secrètement dès maintenant. C'est pour ça que t'es revenue, en vrai? Sois honnête, Ana: ton nouveau mec en a une trop petite et t'avais besoin de te faire prendre bien comme il faut? Il suffit de demander, tu sais, j'suis bon public, pas besoin d'inventer tout un spiel pour tenter de me séduire. Aucune gueule de bois n'est trop puissante pour me faire oublier mes compétences physiques.

Heureusement que j'te tourne le dos quand tu m'complimentes, quand même. Ce serait con que tu me voies sourire comme un nigaud, tu prendrais la grosse tête sinon, c'est sûr et ... Ah. Ça commence déjà, les piques. Bien. « Bof, I'd have a meilleure mine si j'avais quelques hours de sleep en plus dans l'système, mais j'survis. Par contre tu vas sérieusement bust my balls alors que j'me fais chier à te cook some bretzels? I was busy. Toi non plus t'as pas donné des news, hein, donc you're one to talk. » Écoute, faut bien remettre les points sur les i, quand même, j'trouve que t'abuses juste un peu.

L'eau se met à bouillir dans la casserole. J'y trempe ton sachet de salade là. J'ai jamais compris comment tu pouvais boire ce truc. Ça a aucun goût et ça réveille même pas. Y'a que l'Red Bull qui vaut l'coup, en vrai. Il m'en reste ou pas? J'ouvre le frigo. Kedal. Putain fait iech. Mais hé, c'est cool, il me reste de la pâte à bretzel. Ah bah ouais j'suis con: c'est shabbat, aujourd'hui. Donc j'avais tout préparé hier après-midi, comme un grand. J'ai juste oublié de la cuire, trop occupé à me prendre la cuite du siècle pour y penser. C'est cool, cela dit, ça me permet de bien te faire culpabiliser un peu, comme ça peut être que tu accepteras de me donner un bisou (ou plus) pour te faire pardonner. « I'm sure that tu te souviens que c'est shabbat today en plus, franchement t'abuses. » Te rappelles-tu au moins de ce que c'est, shabbat? Ou est-ce que même ça, tu l'as oublié?

J'sors machinalement la pâte du cellophane. Elle a bien pris, c'est cool. Ce sera des bons bretzels, mémé serait fière. Je la malaxe sur le comptoir, devant tes yeux de biche, pour bien te faire envie. Si ça semble hautement pornographique, t'inquiète pas que c'est fort intentionnel. Tu les vois mes dix doigts, qui pétrissent la pâte et la moulent en noeuds? Tu les veux sur toi? En toi? Bah dommage, parce que là ils sont occupés à te faire des bretzels. Putain ça sent déjà trop bon.

« Bon et sinon what the fuck est-ce que tu fous à Santa Monica on a Saturday matin? » Parce que bon, j'vais finir par croire que t'es venue juste pour me voir si ça continue comme ça, c'est pas non plus la porte à côté.

Plus le temps passait et plus Ana se demandait si elle avait bien fait de venir... Elle maudissait ses hormones et ses envies à la con qui l'avait poussée à venir sonner à la porte de Caleb, un samedi matin à 7h. Il avait l'air épuisé entre la gueule de bois et le fait d'avoir été réveillé alors qu'il devait dormir depuis deux heures à peine et elle avait l'air d'une emmerdeuse. Non pas que ça la dérangeait plus que ça, c'était toujours le cas avec lui de toute façon et elle était persuadée qu'au fond, ça lui plaisait. Après tout, il aurait tout aussi bien pu l'empêcher d'entrer, lui claquer la porte au nez ou même la virer de chez lui. Au lieu de ça, il s'était dirigé vers la cuisine sans même l'envoyer paître et lui proposait même du thé. Enfin, à sa façon en proposant du jus de gazon. Il l'exaspérait au moins autant qu'elle appréciait le spectacle qu'il lui offrait, et elle aimait beaucoup ce qu'elle voyait même si elle ne le reconnaîtrait jamais devant lui.  

Évidemment qu'il réagit à son pique. Elle le savait pertinemment avant même que les mots ne dépassent ses lèvres qu'il ne manquerait pas de la reprendre. Elle se pince les lèvres et lève les yeux au ciel, choisissant d'éluder la question. Car oui elle ne l'avait pas recontacté non plus. Et elle n'en avait pas l'intention. Encore hier elle vous aurait ri au nez si vous lui aviez dit qu'elle irait voir Caleb d'elle même alors qu'elle ne voulait plus avoir le moindre contact avec lui pour ne pas risquer de dévoiler son secret. Est-ce qu'il pouvait déjà le voir ? Est-ce qu'il pouvait avoir le moindre doute quant au fait qu'elle était enceinte ? Comment est-ce qu'il aurait réagi en apprenant qu'elle était enceinte de lui ? Non. Elle préférait ne pas connaître la réponse à cette dernière question. Savoir qu'il n'en veut pas lui aurait fait trop mal, savoir qu'il en veut lui ferait trop peur.

Elle le regarde préparer son thé, un peu gênée d'être assise sur le canapé à être simple spectatrice de tout ce qu'il fait pour elle quand elle l'entend lui rappeler que c'est shabbat. Elle regarde la date sur son téléphone. Samedi. Elle avait totalement oublié et elle était en train de lui faire transgresser toutes les règles possibles. Il cuisinait, se servait de son frigo et probablement tout un tas d'autres choses qu'Ana ne connaissait pas. « Merde. J'avais pas réalisé, t'aurais du me le dire ! » Cela dit, elle avait tellement envie de ses bretzels et leur cristaux de sel qu'elle l'aurait probablement supplié jusqu'à ce qu'il cède malgré tout. Ils avaient juste gagné du temps et des éclats de voix. A le voir pétrir la pâte de la sorte, Ana avait soudainement plus envie de devenir un bretzel que d'en manger un. Elle secoua la tête pour chasser cette idée et cherchait désespérément quelque chose qui pourrait retenir son intérêt, n'importe quoi d'autre que Cal, terriblement sexy, en train de lui préparer à manger.

Anastasia retrouve très rapidement ses esprits quand Caleb lui demande ce qu'elle vient faire à Santa Monica un samedi matin. Elle avait beau vivre à Westside, pas si loin de là, il y avait mille meilleurs façons d'occuper son week-end, et elle ne pouvait pas prétendre venir pour surfer car 1. il savait qu'elle partait surfer plus tôt 2. qu'elle y allait rarement le week-end pour éviter la foule et les touristes et 3. mais non négligeable, elle n'avait pas sa planche de surf avec elle. Elle ne pouvait vraisemblablement pas lui dire non plus qu'elle allait voir une hypnotiseuse pour ses nausées et il se moquerait probablement d'elle rien qu'à l'idée qu'elle aille voir une hypnotiseuse pour quelque raison que ce soit. « Oh je passais dans le coin, j'ai un rendez-vous un peu plus tard dans la matinée pas très loin d'ici donc je me suis dit que tant qu'à faire d'être dans les environs, tu serais ravi de me voir, alors me voilà ! » Elle le titillait peut-être un poil trop, mais elle espérait surtout noyer le poisson pour qu'il ne rebondisse pas sur son rendez-vous et ne pose pas trop de questions. Elle replaça une mèche de cheveux derrière son oreille comme elle le faisait toujours lorsqu'elle était stressé et pria silencieusement pour qu'il n'ait jamais remarquer cette petite manie dont elle n'arrivait pas à se débarasser.

T'avais pas réalisé, visiblement. Ahlala. Toujours aussi casse couilles sur les détails, sauf quand ça t'arrange. Visiblement, on te refera pas toi.

« Euh, I just told you, justement. » Bon, ok, j'abuse un peu aussi de mon côté parce qu'en vrai je m'en fous un peu beaucoup des règles et je les brise quand ça m'arrange. Certes, ça m'arrange pas spécialement là mais si ça veut dire que tu veux bien me faire un bisou (ou plus, pourquoi pas) après en guise de remerciement ... Bah disons que c'est pas totalement désintéressé non plus, quoi. D'où le besoin de te rappeler que c'est shabbat: peut être que ça te rendra un peu plus conciliante une fois le moment venu...

Bref. Les bretzels sont près, plus ou moins bien moulés ; ouais ok j'me suis pas appliqué mais qui c'est qui va aller cafter à mémé? En tout cas, pas toi, j'espère. Ce serait vraiment bâtard de me faire un coup pareil alors que j'me fais iech'  à t'nourrir pendant shabbat. J'dis ça, j'dis rien.

J'en profite pour te demander ce que tu fous là. Évidemment, ta réponse est assez énigmatique. Pour changer.

« I see, I see. » Un « rendez-vous » ? T'as rencard avec ton moniteur de surf, ou une connerie dans le genre? J'fronce des sourcils. Peut être que ce crétin de Chucky t'a finalement chopé ton 06? J'lui avais pourtant dit que t'étais chasse gardée. Quel fils de pute. « C'était bien generous de ta part, really. Fallait pas. » Tu le sens, mon sarcasme, là? Ouais, parfois j'me rends fier avec mes conneries. Mais bon, en vrai, hormis la tête qui tourne, l'envie séduisante de gerber, et l'impression d'avoir été fauché par une Ferrari, on va dire que j'suis pas trop saoulé de te voir, au contraire. J'sais que ça fait bien quoi ... Un mois qu'on s'est pas vus? Mais en vrai maintenant que t'es là j'me dis que j'aurais p't'être dû t'appeler. J'peux être un glandu parfois, quand même, j'sais pas si t'as remarqué. Mais bon, faudrait pas que j'sois trop con non plus, t'es plutôt sympa comme fille donc bon. Voilà hein. Mais évidemment, ça j'te le dis pas, j'veux pas que tu prennes la grosse tête. Enfin ... La encore plus grosse tête. Parce que tu pètes quand même plus haut que ton cul genre 95% du temps. Mais les 5% du temps ou tu le fais pas, ça va, t'es plutôt cool en vrai.

Anywaaayyy. En attendant que les bretzels lèvent (normalement pour 30 minutes, mais vu que t'as l'air pressée, on va dire 20), j'verse ton jus de gazon dans un gros mug King Keutard que j'sais plus trop qui m'a offert j'sais plus trop quand... C'était pas toi, d'ailleurs, à Noël? Justement parce qu'après tu m'as tapé une crise parce que j't'ai pas offert de cadeau comme si c'était totalement normal de fêter Noël alors que j'ai jamais fêté ça de ma vie entière avant toi. Bon, ok, à la fête foraine les potos de pépé et mémé me faisaient des cadeaux parfois mais bon, ça compte pas ça ... Pas vrai?

« Tiens, here's your tasse de grass juice. Essaie de ne pas turn into a cow en l'buvant, please, parce que you look nice comme t'es. » Ouais, ok, je sais, ma vanne se fait vieille, mais j'm'en bas les steaks en fait, j'vais te la faire à chaque fois, parce que j'suis relou comme ça moi. En parlant de mes steaks j'crois que t'as une belle vue dessus là. J'm'assure que t'aies bien le temps de te rincer les yeux avant de retourner jeter un oeil sur ma fameuse lessive 3.5%.

Pendant que tu bois ton « thé » (grimace), j'm'installe à côté de toi. J'avoue que c'est un peu chelou d'être complètement à walp alors que t'es pleinement habillée mais bon, j'm'en fous un peu beaucoup en vrai. J'souris un peu quand j'te vois replacer ta mèche derrière ton oreille, parce que c'est chou mine de rien que t'aies toujours tes petits tics là.

« Has anyone ever told you que t'es cute quand tu do that with your cheveux? » À tous les coups, tu vas trouver une façon de te vexer du fait que j't'ai fait un compliment, mais bon, j'aime bien vivre dangereusement.

Un coup d'oeil à la pendule sur son téléphone, juste pour être sûre. Elle est encore dans les temps. Elle était venue quémander des bretzels en pensant qu'il lui en resterait de la veille, même un peu rassis, ses envies n'étaient pas pointilleuses à ce point là, et la voilà qui se retrouvait dans le salon de Caleb à attendre pendant qu'il lui prépare ses bretzels, complètement nu. Heureusement que l'inspection de l'hygiène ne passerait pas par là, car elle était à peu près convaincue que ce n'était pas une tenue très réglementaire pour cuisiner, mais elle se retenait bien de le faire remarquer au chef du jour... Elle n'avait pas la moindre idée de combien de temps il faudrait pour que les petites pâtisseries salées soient prêtes. Elle espérait moins d'une heure, sans quoi elle risquait de ne pas en voir la couleur ou d'être en retard à son rendez-vous. Elle n'arrivait pas à déterminer ce qui serait le pire.

Caleb répondait à son ironie par du sarcasme, c'était de bonne guerre et plutôt habituel entre eux.
« Oh bah après je peux encore repartir hein, si vraiment je dérange » Elle se mordit immédiatement les lèvres réalisant qu'elle jouait peut-être un peu trop avec le feu. Et s'il ne voulait vraiment pas la voir et la foutait dehors ? Elle ne l'admettrait probablement jamais, mais elle était contente d'être de retour dans ce petit appartement après presque un mois. Enfin, ce n'était pas l'appartement en lui même qu'elle était contente de retrouver évidemment, mais plutôt son occupant.

Elle vit Caleb revenir vers elle, sa tasse de thé à la main. Non, il ne se donnerait pas autant de mal pour la foutre à la porte, il devait bien être au moins un peu content de la voir. Pas vrai ? Elle ne pu s'empêcher de lever les yeux au ciel en voyant la tasse qu'il lui tendait. King Keutard ? Vraiment ? Elle espérait très sincèrement que c'était la seule tasse propre qu'il lui restait pour qu'il lui donne celle-ci, et elle priait surtout pour que cette tasse appartienne à un de ses colocs. Ana n'était pas contre l'humour potache, mais là c'était un poil trop beauf pour elle. Elle se contenta de juger en silence pour une fois de peur de le vexer, qu'il jette son thé dans l'évier ou qu'il lui montre le chemin vers la sortie. Cela dit, maintenant qu'il était assis sur le canapé avec elle, tout fier de sa blague et toujours complètement nu, elle était à peu près sûre qu'elle ne prendrait pas la porte. « Tu pourrais au moins enfiler un caleçon...  » ronchonna-t-elle en soufflant sur son mug.

Ana eu l'impression que tout le sang de son corps s'était donné rendez-vous au niveau de ses pommettes après le compliment de Cal. Et voilà qu'en plus il avait remarqué ses tics, c'était bien sa veine. Trahi par son propre corps et ses réflexes qu'elle n'arrivait pas à contrôler. « Ah... Euh... Oui. Merci. Je suppose ? » Et voilà, son cerveau avait définitivement cessé de fonctionner, elle n'était même plus capable d'aligner deux mots.

« Oh bah après je peux encore repartir hein, si vraiment je dérange, gnagnagna. »

J't'imite plutôt bien, non? Je trouve aussi. « Écoute, I know that tu likes to faire chier, mais me réveiller pour te barrer ensuite, ce serait vraiment le level au dessus, même venant de toi, hein. » Bah ouais, faut arrêter d'abuser au bout d'un moment. Mais bon, si vraiiiiiment t'as besoin d'une traduction, j'suppose que tu peux entendre ça à la place: J'suis happy que tu sois là, en vrai. Stay, steup'lait.

T'as l'air un peu contrariée par la tasse, par contre. C'était pas toi qui me l'avait offerte? Ou alors je l'ai abimée? C'est quoi le soucis en fait? En vrai j'm'en tamponne un peu beaucoup, c'est qu'une tasse après tout. Y'a des choses plus intéressantes à regarder. Comme tes beaux doux yeux de belle demoiselle. T'as fait quelque chose de différemment en plus, non? J'sais pas. T'as presque l'air plus belle qu'avant ... ? C'est possible ça? Pourtant t'as l'air pareille, enfin je sais pas. Peut être que t'as changé un truc avec tes cheveux ou que sais-je. C'est pas vraiment le genre de détails que je remarque. Mais t'as bonne mine en tout cas. J'me demande combien de temps encore tu vas attendre avant de me faire une réflexion sur ma tenue et ... Ah bah pas tant de temps que ça finalement. Pour être honnête, j'suis plutôt impressionné que t'aies tenu tant de temps. Attention, ça n'veut pas dire que j'vais t'obéir pour autant. Et puis quoi encore?

« Et why? »

Écoute, autant aller droit au but, non? C'est pas comme si tu voyais quelque chose que t'avais vu par le passé, après tout. Donc pourquoi est-ce que ça te dérangerait? À moins que je te plaise moins maintenant? Ou au contraire, un peu trop? Autant viser dans la provocation, sait-on jamais.

« J'te fais tant d'effet que that que you can't even see me naked anymore? »

Regard insistant. J'vais pas te lâcher si facilement que ça. Pourquoi? Bonne question. J'sais pas. Peut être qu'au fond de moi j'ai besoin de savoir que j'te fais encore de l'effet, en fait. Peut être que j'ai envie que ce soit le cas, aussi. T'as qu'à répondre si tu veux vraiment savoir.

J'en rajoute quand même une couche, au cas où. Un p'tit compliment de rien du tout, mais qui veut dire grand chose parce que j'suis plutôt radin quand il s'agit de dire un mot gentil. Généralement je suis un mec d'action, pas de parole, tu le sais bien en plus, pas vrai?

Tiens, en parlant d'action, en voilà une bonne.

« T'en as forgot one. » Hop, je la replace aussi la mèche, et je m'en fous si ça te dérange, t'es chez moi à 7 heures du mat donc si tu me fais un cirque parce que j'ai osé te remettre un tif à sa place je te jure que c'est toi que je vais remettre à la bonne place. Oui, ok, je voulais surtout un prétexte pour initier le contact, mais ... Et alors? C'est bien pour me voir que t'es revenue là, non? J'veux dire ... Des bretzels y'en a partout dans la ville, donc si t'es là, ici ... C'est pour nous voir, moi et mon gros bretzel ... non? Nos yeux s'croisent et j'te jure que j'essaie de pas trop faire mon queutard mais t'es juste bien trop belle donc en fait merde je m'en balec. J'continue de caresser ta mèche entre mes deux doigts, bien qu'elle soit déjà au bon endroit et que je devrais probablement la relâcher. Mais au lieu de ça ... Oh et puis merde. J'm'avance probablement un peu trop mais flemme de tourner autour du pot, tu me connais. Donc c'est tes joues que je caresse maintenant, juste assez pour pouvoir relever, un tout p'tit peu, cette joli gueule d'ange que t'as pour pouvoir te voler un p'tit bisou. « T'as aussi forgot a kiss, j'crois. » T'as vu? J'en ai des belles, des phrases de loveur.

Jouer avec le feu avait toujours été le domaine de prédilection d'Anastasia, elle l'avait fait pendant des années avant son opération cardiaque et était devenue experte en la matière. Elle se contenta de pincer les lèvres car il avait raison, même si elle adorait le faire chier, elle n'irait pas jusqu'à lui manquer de respect en le réveillant pour lui quémander des bretzels et repartir dix minutes plus tard, sans bretzels. Elle n'était pas sadique à ce point là même si torturer Caleb semblait parfois être son sport préféré.

Pourquoi ? Il venait sérieusement de lui demander pourquoi il devrait aller enfiler un caleçon ? Il ne manquait vraiment pas de culot pour l'aguicher comme il le faisait et en même temps, Ana n'aurait pas dû être étonnée, on parlait de Cal... Evidemment qu'il lui faisait de l'effet, ça faisait près de dix minutes qu'elle analysait l'ensemble de l'appartement pour éviter de le regarder et s'épargner des pensées qui à une autre époque lui aurait valut de passer une bonne heure au confessionnal. Cela dit, vu son état actuel, elle aurait probablement été bonne pour une heure supplémentaire du fait qu'elle était enceinte et non mariée, mais là n'était pas la question. S'il attendait qu'elle lui confirme que oui, il ne la laissait pas indifférente, que oui, il lui plaisait énormément, il allait attendre longtemps. Ana n'avait pas l'intention de mettre un terme à leur petit jeu du chat et de la souris, car si elle le faisait, qu'est-ce qui se passerait après ? Est-ce qu'il serait toujours intéressé ou est-ce que c'était juste le défi qu'elle représentait qui avait su captiver son attention ? « C'est pas ce que j'ai dis, mais ça serait bête que tu te blesses en cuisinant. »

Pourquoi est-ce qu'il continue de la regarder comme il le fait ? Anastasia en est presque intimidé et tous ses sens sont en alerte, ses tics se manifestent de façon plus ou moins importante, comme sa manie de remettre ses cheveux derrière son oreille, même quand presque aucun n'en dépasse. Elle repère du coin de l'oeil la main de Caleb qui vient remettre en place une dernière mèche récalcitrante, et sa main s'attarde dans ses cheveux un peu trop longtemps. Juste assez pour qu'elle comprenne, mais pas assez pour qu'elle ait le temps de réagir. Et est-ce qu'elle avait seulement envie de réagir ? Les lèvres de Caleb viennent rencontrer les siennes dans un baiser bien plus chaste que ce à quoi il l'avait habitué et elle en vient à regretter qu'il ait été si rapide. Elle détestait cette facilité qu'il avait à la déstabiliser, à lui faire tourner la tête comme jamais auparavant. Elle met quelques courtes secondes à retrouver ses esprits et d'enchaîner « Ah oui ? » Une réponse qu'elle formule d'une voix un poil trop aiguë, qu'il allait forcément percevoir et n'allait pas manquer de lui faire remarquer comme il le faisait toujours en sachant pertinemment qu'elle détestait ça. « J'avais pas remarqué... » Un mensonge qu'elle prononçait avec aplomb alors qu'il n'en croirait certainement pas un mot, même elle n'aurait pas réussi à s'en convaincre. S'ils avaient été dans une de ces stupides comédies romantiques qu'elle aimait tant, elle aurait probablement porté la main à ses lèvres, comme pour mieux réaliser que le héro l'avait embrassé et qu'il lui avait tant manqué ; mais Ana n'était pas l'héroïne d'une comédie romantique, et Cal était loin de l'image qu'on pouvait se faire du prince charmant, surtout un samedi matin à 7h30, encore en train de décuver de la veille, bien qu'il semblait désormais bien plus éveillé qu'il ne l'était encore cinq minutes plus tôt ; la grande blonde était encore trop surprise pour que son corps ne réponde au moindre mouvement qu'elle aurait pu vouloir faire et c'était peut-être pour le mieux...

C'est simple: dans la vie, personne ne fait d'quartier. Il est question d'obtenir c'qu'on veut, quand on peut. Qu'est-ce-que moi, j'veux, là, tout de suite? Bah voyons. C'est plutôt facile à deviner, quand même, j'suis sûr que tu l'sais déjà ... Hehe ...

Et comment j'vais l'obtenir? En t'ayant à l'usure, bien entendu. Ma méthode de drague préférée.

« Alleez. Steuplait steuplait steuplait. Juste 5 minutes, promis. Alleeez. »

Ça marche à chaque fois. Sauf celles que j'oublie pour pas fragiliser mon ego, natch'. Mais ça, parlons-en pas steuplait. Alleez. Steuplait steuplait steuplait. Juste cette fois, promis. Tu vois? J't'avais dit que ça marche.

Bref. J'écarte bien les jambes, j'en profite même pour poser mon pied sur la table basse comme ça j'ai aucun doute que t'as une vue imprenable. Et j'm'étire pour la forme, comme ça tu peux admirer ma ligne pas si légendaire que ça mais quand même correcte malgré tout. T'as vu? J'suis beau, hein. Allez, dis moi que j'suis beau. Ça me ferait sourire comme jaja, t'as pas idée. Tu m'crois pas? Teste, tu verras bien.

« Don't worry about moi, blondie, j'suis un professional, wesh. »

Caleb Delmas, roi de la frime ... Présent!

J'm'installe à tes côtés sur le canap pour bien te confronter à ma présence, et j'en profite pour replacer une mèche de tifs que t'avais zappée en te balayant le visage. Et pour te voler un kiss, accessoirement. Furtif, je sais. Probablement trop. Juste assez court pour pas me faire tabasser si j'avais mal compris les signaux de ton corps qui semble me crier « prends moi! », mais juste assez pour te laisser sur un goût de trop peu si jamais j'avais bien compris ce que je pensais avoir bien compris.

« Ah oui ? »

Ça m'fait sourire quand tu joues les innocentes comme ça, comme si on avait jamais été écrasés l'un contre l'autre sur mon lit à faire des choses pas très judaïques ensemble.

Une réponse simple mais efficace s'ensuit.

« Yes, j'crois bien que yes. »

J'aurais pourtant pu tuer la vibe avec une de mes blagues à la con, ou en me moquant de ta petite voix aigüe pourtant toute mignonne parce que je sais ce qu'elle essaie d'éviter d'exprimer. Mais non. J'veux pas la tuer, la vibe, en fait. Parce que ce serait contre-productif, justement ... Tu comprends?

« D'ailleurs ... Je crois bien que you forgot another one ... »

Et hop, on tente une deuxième fois.

Tes lèvres.
Et les miennes.

C'est que t'as bon goût quand même. Mmmh.
Là je prends mon temps. Je profite vraiment du moment. Vu comment tu m'as ghosté la dernière fois, qui sait combien d'autres baisers je pourrais te dérober? Non, ils sont bien trop rares. Et bien trop précieux. Donc j'en volerai autant que je le peux tant que j'en aurai l'occasion. Parce que même si tu m'fais toujours incroyablement chier comme c'est jamais permis, j'dois bien avouer que je sais jamais te résister. J'sais pas comment tu fais, mais tu me rends dingue, dans tous les sens du terme.