Ce soir-là, ce n'était pas la photographie qui était à l'honneur à la galerie d'Aaron mais bel et bien la peinture.
Los Angeles regorgeait d'artistes en tout genre et notamment de peintres, amateurs ou professionnels. Le trentenaire n'avait pas la prétention d'être incollable dans chaque domaine artistique qu'il exposait, qu'il s'agisse de dessin, de peinture, de photographie, de sculpture même… Au contraire, il affectionnait tout particulièrement l'idée de découvrir des artistes et leur art, et de montrer au grand jour la passion autant que le travail réalisé. Si l'art contemporain prenait davantage de place sur la scène médiatique et dans l'opinion publique ces dernières décennies, il souhaitait que l'on n'oublie pas les arts plus classiques, moins tape-à-l'œil. Des imitations les plus modestes aux créations loufoques, chaque œuvre avait sa place dans sa galerie, tant que l'on pouvait échanger à son sujet. D'ailleurs, si Aaron n'avait pas l'habitude de déambuler dans les couloirs de sa galerie durant la journée, il s'affichait régulièrement lors d'événements ressemblant à des conférences afin de mettre en lumière certains artistes.
La conférence du soir était au sujet d'un certain Marco Ciserani, tout droit venu d'Europe pour nous exposer son art, largement inspiré du classicisme de la Renaissance. Il méritait à être connu d'après Aaron et il s'était donc scrupuleusement attelé les jours d'avant à préparer ce temps d'échange entre lui, l'artiste et le public.
Une fois ce moment passé, les visiteurs purent librement vagabonder dans la galerie, discuter avec Marco ou même avec Aaron qui était souvent abordé durant ces événements. Il était sociable, avenant, et prenait un plaisir certain à échanger avec tout un chacun. Un couple d'Angélins d'environ soixante ans se rapprocha de lui pour lui proposer un prix sur une toile accrochée à quelques pas d'eux. Aaron n'affichait aucun prix lors de ses expositions car il n'était pas marchand d'art ; néanmoins les ventes informelles étaient fréquentes avec la population aisée et intéressée par l'art.
Une fois qu'il eut en sa possession les coordonnées du riche retraité, Aaron se retira et en profita pour se rapprocher de la table où des boissons étaient servies. Il opta pour un simple cocktail de fruits sans alcool et jeta un coup d'œil à son téléphone. Il vérifia ses dernières notifications et s'assura qu'il n'avait rien manqué. Qu'il s'agisse d'Adélaïde, de sa fille Valentina ou d'un autre proche. Mais rien ne l'incita à rester davantage sur son cellulaire. Alors il but quelques gorgées de sa boisson et releva le regard vers quelques visiteurs qui passaient et échangeaient vivement sur les œuvres exposées. Un sentiment de fierté le combla, quand ses prunelles croisèrent finalement la silhouette d'une femme... qui ne lui sembla pas inconnue. Il l'avait déjà vue plusieurs fois, probablement à la galerie… C'était même sûr. Elle était déjà venue plusieurs fois à des conférences, assez pour qu'il la reconnaisse. Un instant se passa sans qu'ils ne bougent, puis il esquissa un sourire dans sa direction, plus par politesse que par intention de la perturber durant son exploration.