where's my love? @Peter L. Michaels
Salut Peter. Je voulais t’annoncer moi-même le décès de maman et papa. Je suis désolée de ne pas prendre la peine de t’appeler. L’enterrement aura lieu jeudi à 10h, au cimetière de Westwood. Si tu veux venir : après tout, tu les connaissais bien. A plus tard. Déborah.
[…] Le téléphone, tu l’as perdu dans la maison. Ce message, ça fait déjà 3 jours qu’il est parvenu à son destinataire : et tu n’as aucune idée de la réponse – si réponse il y a eu. Tu fixes le sol, en sous vêtement, assise par terre : autour de toi, un parterre de robes noires, toutes plus belles les unes que les autres. On y est, c’est le jour J : l’enterrement de deux parties d’toi-même, qui ne sont désormais plus. Et tu ne sais pas si tu auras le courage de te lever et d’y aller. Parce qu’y aller, c’est renoncé. C’est s’avouer vaincu par la mort et être d’accord avec le fait qu’il n’y aura pas de suite à cette histoire. Et c’est brut. C’est dur. « Maman ? » La poignée se tourne. La porte reste close. Tu as fermé à clés. « Maman, on doit bientôt y aller. Tu veux de l’aide ? » Tu aimerais la rassurer. Lui dire qu’il reste quelque chose de vivant en toi. Mais la seule chose qui te vient à l’esprit, c’est le dernier enterrement auquel tu as assisté : celui de ton fils. Et la pluie glisse sur tes joues.
[…] « Tu es très élégante maman. » Les derniers escaliers et tu lèves la tête. Tes cheveux blonds volent au vent, les quelques coups de pinceaux sur ton visage semblent cachés ta tristesse. Et la toile que tu es est rayonnante. Elle a raison Kimmie : tu es très élégante pour ton rencard avec la mort. Tu lui souris légèrement. Tu ne fais même pas attention à ce qu’elle porte : tout te semble si futile. Les talons claquent sur le sol. Le téléphone reste introuvable. Et toi, tu commences aussi à te perdre.
[…] La voiture se gare. Ce n’est pas toi qui conduis, mais un chauffeur pour l’occasion. Pas l’cœur, pas l’corps à réfléchir. La facilité sûrement. Tout le trajet a été silencieux : ta fille pianotait encore et encore sur son téléphone. Et elle, elle descend déjà. Rien ne semble l’atteindre. Personne ne semble se rendre compte que toi, ton monde s’est ouvert sous tes pieds : et que t’es en chute libre. Tu regardes la porte, la poignée. Tu t’dis que c’est insurmontable, que tu ne pourras pas sortir de là. Et pourtant, tu claques déjà la porte derrière toi. Il y a du monde à cet enterrement : pas que tes parents étaient appréciés, mais toi tu l’es. Alors forcément, tout le monde veut te montrer leur soutien. Tu ne peux t’empêcher de trouver ça égoïste, ce qui rend la cérémonie encore plus débile. Mais tu fixes les deux cercueils qui attendent déjà. Qui n’attendent que toi. Et tu ne peux plus avancer. Paralysée.
Codage par Libella sur Graphiorum