ECHEC ET MORT - LORANA

Lunettes de soleil sur le nez, cheveux bouclés, maquillée, et vêtu d’une petite tenue estivale, voilà Kimberley qui fait claquer ses bottes contre les pavés. Son look d’aujourd’hui est un peu plus rock que d’habitude, mais elle n’est pas du genre à se fondre dans la masse. Alors si tous les jeunes aujourd’hui s’habillent en Pastel au nom de la poupée Barbie qui vient d’être exportée au cinéma, Kimberley voulait sortir du lot. Elle aime faire les modes, pas être un mouton.

Alors avec son croc top à carreaux rouge et noir, assorti à sa jupe noir, elle vient déposer ses lèvres (rouges aussi) autour de la paille de son bubble tea, pêche hibiscus, avec perle de tapioca. Classique. Elle marche, sans trop savoir où, tout ce qu’elle sait, c’est qu’il fait beaucoup trop beau pour rester enfermée dans sa chambre ! Ses amis sont encore en vacances, donc elle ne peut pas réellement faire un call pour une sortie un peu sympa. Mais il en faut plus pour décourager notre jolie blonde !

Boisson dans une main, téléphone dans l’autre, elle se met à chercher sur Maps où est-ce qu’elle pourrait se poser pour profiter tranquillement du soleil… Un parc ? Ça peut être sympa, surtout si il y a une petite fontaine à côté. Elle s’imaginait déjà faire une petite séance photo devant, pour montrer aussi à ses followers que ça peut être cool de ne rien faire, parfois !

Tiens, d’ailleurs, ce petit banc là… Un sourire se cale à ses lèvres, et elle se pose, le temps de boire, tranquillement. Quelle belle journée, quand même ! Air pod dans les oreilles, c’est sur un hit de l’été qu’elle se fait interrompre par un jeune homme, lui faisant signe de retirer un écouteur. Tout ça pour quoi ? Pour écouter un mec plutôt lourd raconter sa vie et donner son numéro. Et autant Kim aime bien les hommes plus âgés, il ne fallait pas déconner, elle avait malgré tout des critères bien précis ! C’est donc poliment et avec son sourire qu’elle lui fait comprendre que non, elle n’est pas intéressée, et que sa musique est bien plus interessante que lui…

Remettant son écouteur, l’homme s’éloigne, semblant rejoindre un groupe que la jeune femme regarde du coin de l’oeil. Trois hommes. Est-ce que c’est comme ça qu’ils occupent leurs journées ? À chasser en bande ? Ça en a tout l’air, en tout cas. D’ailleurs, elle capte également que le mec la montre d’un signe de main à ses amis, avant de revenir vers elle, accompagné cette fois. Bon. Là, c’est red flag. Kim se lève de son banc, tant pis pour sa détente, mais au cas où… Une part d’elle lui crie de prendre la fuite.

Elle accélère le pas, mais… vous connaissez cette sensation d’être suivi ? Et bien c’était ce même malêtre qui commençait à l’envahir. Puis si elle avait malgré tout une grande gueule pour les recaler, elle sait très bien que seule face à trois mecs, elle ne fait pas le poids. Kimberley accélère le pas, mais en tournant la tête, se rend compte qu’ils sont toujours là. Alors ni une ni deux, elle entre dans la première porte ouverte, ce qui semble être un lieu payant, vu le guichet.

- Un ticket s’il vous plait.

Au moins, ici, ça doit être truffé de camera, elle espère donc être tranquille. Elle court presque jusqu’au début du musée, où elle prend le temps de lire ce dont il s’agit.

Le musée de la mort.

Rien que le nom la fait frissonner… Ce spectre l’envahit, rien que l’idée… La vision de son frère, emporté beaucoup trop tôt. Surement ce qui lui a déclenché cette peur irrationnelle de la mort. Elle avance, vite, mais le musée continue, et même si elle tente de ne rien regarder, ça ne va pas. Son corps bat beaucoup trop vite, une douleur l’envahit, et elle finit par s’assoir au milieu d’une pièce, essayant de respirer normalement, seule face à sa crise d’angoisse.

Ma sœur, Rovena, a toujours eu des idées plus farfelues que les miennes ; c'est le cas depuis qu'on est toutes petites. Le musée de la mort, vraiment ? Je n'étais là que pour lui faire plaisir, sans tirer de la visite de ce lieu un quelconque plaisir... C'est même tout l'inverse. Trop glauque pour moi, cet endroit ne me plait pas, mais ma sœur a l'air de s'y amuser, alors je la suis. Je grimace devant une sorte d'expo-hommage aux tueurs en série les plus prolifiques d'Amérique... Définitivement, cet endroit me met mal à l'aise. Plus encore, c'est la fascination que je vois sur le visage des visiteurs qui me glace un peu le sang. Je ne continue la visite que pour faire plaisir à ma sœur, alors que j'aurais bien envie de quitter cet endroit. J'en viendrais presque à croire que je pourrais être maudite sur douze générations si je restais trop longtemps parmi toutes ces expositions.

« Je vais aux toilettes, j'arrive. » Je souris à Rovena, qui acquiesce, alors que l'on convient de se retrouver après dans une autre section exclusivement réservée aux meilleures morts dans les films d'horreur. Vraiment, il faut être taré pour avoir ouvert un endroit pareil, ou pour avoir juste pensé à un tel concept. Bref, me voilà à la recherche des toilettes. Je suis les panneaux, mon regard rivé au sol pour éviter d'en rajouter une couche sur mon malaise. Ce qui me fait relever la tête ? Voir des gens qui semblent contourner quelque chose. Je suis obligée de traverser cette pièce pour me rendre aux toilettes, et je fini moi aussi par passer devant la petite silhouette qui est assise au sol. C'est une blague, n'est-ce pas ? Les gens ne sont pas en train de la contourner consciemment juste pour continuer à profiter de leur macabre visite ? J'aime l'humanité, profondément, mais il y a des moments comme ceux-là qui me rappellent que cette même humanité peut être d'un égoïsme plus effrayant encore que le thème même de ce musée.

Tant pis pour mon envie d'aller aux toilettes. Je m'approche, sans vraiment d'hésitation, pour m'accroupir à hauteur de la jeune femme. Je ne la touche pas, j'ai assez d'expérience en la matière pour savoir que c'est probablement la pire chose à faire lorsqu'une personne est en train de faire une crise d'angoisse. « Est-ce que tu arriverais à lever les yeux et à me regarder, juste pour te concentrer sur mon visage ? » Ma voix est douce, posée, la plus apaisée possible. « Essaie de suivre le rythme de ma respiration, d'accord ? » Je fais exprès d'inspirer et d'expirer doucement, pendant plusieurs minutes, en continuant d'essayer d'établir un contact visuel avec elle. Le but ? Qu'elle réussisse à contrôler sa respiration pour faire baisser le stress auquel elle semble soumise à cet instant. « Tu te débrouilles très bien. Je m'appelle Lorana, okay ? Quand tu seras prête, tu pourras réussir à me dire ton prénom, tu crois ? » J'essaie de détourner son attention de l'objet de son angoisse ; la plupart des gens font l'inverse en demandant à la personne ce qui ne va pas ou, pire, en lui disant que tout va bien, niant ainsi complètement la légitimité de la peur à l'instant T. Pourtant, le plus important face à une crise d'angoisse reste de réussir à sortir la personne de ce qui la paralyse, et c'est bien ce que j'essaie de faire à cet instant.

HJ : J'ai laissé passer un peu de temps pour voir si quelqu'un allait répondre, mais ton ouverture m'a inspirée, j'espère que ça ne te dérange pas que je m'incruste

De tous les endroits de Los Angeles, il a fallu que Kimberley se retrouve dans un endroit comme ça. Un lieu qui puait le glauque, et qui sans avoir besoin de traverser tout le musée, la faisait se sentir mal. Son coeur se serrait dans sa poitrine, et battait à un rythme irrégulier, la faisant paniquer encore plus. Des crises d’angoisse, ça lui arrive d’en faire, mais le plus souvent elle les gère seule, mais là… la course, la peur, et maintenant ça… Même en voulant se montrer forte, c’est insuffisant.

Alors oui, son seul moyen de défendre, c’est de s’isoler, et de s’assoir. Elle sentait très bien qu’en restant debout, elle risquait de perdre connaissance et ça, ça la faisait encore plus paniqué. C’est pour ça qu’elle finit par se poser au milieu d’une pièce, les genoux contre sa poitrine, les yeux fermés, et un bourdonnement dans les oreilles.

Respire… respire…

Le bruit de fond devient flou, tout comme sa vision, les yeux embués par les larmes. La peur n’aide pas, et.. Elle voit bien qu’elle gêne, se prenant parfois des coups de mollet de personne désirant continuer la visite. Est-ce qu’ils pensaient qu’elle était actrice ? Et que c’était une animation ? En tout cas, la jeune femme posée devant elle apparut tel un ange tombée du ciel. Kimberley sent sa présente, et sa voix semble s’éclaircir, dans le bruit alentour. Lever les yeux. Regarder. Son visage.

Kimberley lève rapidement les yeux, mais a du mal a maintenir le regard. Par honte ? Par peur ? Pouvait-elle faire confiance à cette femme ? Ce qu’elle lui demandait n’avait pas l’air de la mettre en danger, au contraire. Alors elle essaye, et bien qu’elle finisse par regarder dans le vide, n’arrivant pas à maintenir le regard. Fermer les yeux l’aide même un peu.

Inspire... Expire…

Lorana. Inconnue, et pourtant, elle s’occupe d’elle… Ce qui reste un mystère pour Kimberley, pour le coup. Est-ce qu’elle, elle se serait arrêté ? Elle n’y pense pas longtemps, tentant de relever la tête, et essaye à plusieurs reprise de prendre la parole, mais son souffle court l’empêche d’être très clair. Après une inspiration, elle finit par réussir à lâcher un simple :

- … Kim…

La jeune femme la regarde, paniqué, essayant de se concentrer sur la respiration, qui après son effort, semble encore plus saccadé. Mais heureusement que cette femme ne la lâche pas.

- J’veux sortir…

Et elle pleure, sans contrôler, laissant les larmes couler le long de ses joues. Tout ce qu’elle veut, c’est ne pas rester ici.

Je la vois qui lutte, qui essaie de suivre ce que ma voix lui demande de faire. Et ce n'est pas grave si elle n'y arrive pas. Ce n'est pas grave si elle est trop prise dans ce qu'elle vit pour réussir à garder son regard sur mon visage. Le principal, c'est cette respiration qu'elle tente de recaler et de maîtriser. Je ne veux pas la pousser, on a le temps. Je resterais là, j'attendrais avec elle que la crise parvienne à se calmer, qu'elle parvienne à articuler son prénom, que la tempête passe. Elle doit sûrement lutter pour me souffler une syllabe. Kim. Elle s'appelle Kim, et je mettrais ma main à couper qu'elle n'est pas aussi âgée que ce que son style laisse à penser. Je ne sais pas si elle arrive à me voir, mais je me pare d'un sourire rassurant. Elle a réussi à me dire comment elle s'appelle, c'est déjà une bonne chose.

Kim veut sortir d'ici, mais je ne m'affole pas. Et, pour ne pas heurter sa pudeur, je me mets de sorte à cacher au public les larmes qui coulent sur ses joues. Elle n'a pas besoin d'une pression supplémentaire. Elle n'a pas besoin que les gens la regardent curieusement. Nos silhouettes si près du sol attirent déjà bien assez comme ça quelques paires d'yeux trop curieux. « On va sortir. » Je le lui affirme. On ira à son rythme, mais si elle veut sortir d'ici, on le fera et je ne la laisserais pas en proie à des émotions si violentes. Et je me fiche bien de savoir si, dans la situation inverse, elle aurait pris le temps de s'arrêter. Ça n'a aucune sorte d'importance pour moi. « Je vais prendre tes mains, si tu es d'accord. Pour t'aider à te relever. Tu pourras t'appuyer sur moi. La sortie n'est pas très loin. » Doucement, mes mains viennent prendre les siennes, guettant la moindre réaction qui m'interdirait de le faire pour stopper mon mouvement si cela s'avérait nécessaire. « Dis-moi lorsque tu te sens capable de te lever. Et garde à l'esprit que tu n'es pas seule, qu'on va traverser cette pièce ensemble, contourner les guichets toutes les deux, et qu'ensuite, on sera dehors, à l'air libre. »

Je ne sais pas si lui détailler les étapes peut l'aider à visualiser ; ça rassure parfois les personnes. Enfin, c'est surtout souvent juste le fait de pouvoir se raccrocher à une voix qui aide à se calmer, à trouver suffisamment de force pour se redresser. J'espère que ce sera le cas pour Kim, au moins le temps de pouvoir la sortir d'ici.

Les larmes coulant sur ses joues montrent bien qu’elle a un coeur, cette petite, bien qu’elle tente un maximum de ne pas le montrer dans son quotidien. Peu de personnes peuvent dire qu’ils ont déjà vu pleurer la jolie blonde, pour de vrai. Bien sûr, pleurer parce qu’elle est tombée en roller quand elle avait douze ans ne compte pas… Ni quand elle a pleuré en épluchant des oignons en essayant de faire une tarte pour ses copines et elle, lors d’une soirée pyjama.

Des vraies larmes, c’était rare. Et là, elles s’enchainent, et ne semblent pas vouloir s’arrêter. Pas de sanglots, juste des larmes… elle réussit à donner son prénom, et surtout à communiquer son envie de sortir de là. Au plus vite. Elle continuait d’essayer de respirer, entre deux pensées macabres. Jamais elle n’a parlé de cette peur à ses parents. Et elle ne dira pas non plus à son père ce soir ce qui vient de se passer.

L’inconnue lui assure qu’elle va sortir, et bien qu’elle ne la connaissait pas, elle sentait que ce n’était pas quelqu’un du même acabit que le mec de la rue… Elle semblait réellement vouloir l’aider, même si Kimberley avait du mal à savoir pourquoi. Est-ce qu’il y a réellement des personnes encore capable de bonté dans ce monde ? Sans rien vouloir en retour ? En tout cas, Kim n’était pas capable là. Elle l’écoute, entend ce qui va se passer. Okey, un contact, une aide, qu’il faut qu’elle saisisse.

Étonnamment, Kimmie serre fort les mains qui lui sont offertes, s’accrochant dessus comme si c’était la seule porte de sortie, et qu’elle ne voulait pas qu’elle parte sans elle. Elle hoche la tête, ne voyant toujours pas réellement autour d’elle. Les larmes ? La peur ? L’angoisse ? Un mélange de tout ? En tout cas, c’est sans réellement être en parfaite possession de ses moyens que Kimberley finit par se lever, et s’accrocher au bras de la femme à-côté d’elle. Elle se laisse guider, aveuglée, suivant son guide, écoutant à moitié autour d’elle.

Au final, elle sent quand ils arrivent enfin dehors, quand elle sent du vent contre sa peau. Ses vêtements collent à sa peau, la sueur ayant clairement rendu ses fringues humides. Si elle était complètement consciente de ses actes, elle se dégouterait, mais là c’était la dernière de ses préoccupations. En tout cas, elle retrouvait ses esprits doucement, continuant les exercices de respiration, et loin de cet endroit. À quelques mètres, certes, mais tellement loin..

- …. merci

Elle arrive à dire, d’une petite voix, essuyant ses larmes du revers de la main, et s’asseyant de nouveau, le temps de reprendre réellement ses esprits.

- Désolée..

La honte commençait, en réalisant son état, et le temps qu'elle avait fait perdre à cette femme.

La seule chose à laquelle je pense, à cet instant, est d'aider cette jeune fille à sortir de là. Elle serre fort mes mains et je la laisse faire, l'aidant simplement à se lever, la soutenant dans ses pas pour la guider jusqu'à l'extérieur de ce musée. J'enverrais un message à Rovena plus tard, quand je serai certaine que Kim va un peu mieux. Ma sœur comprendra, j'en suis certaine. L'air frais est une vraie bénédiction, et je ne lâche pas la demoiselle, l'aidant à s'assoir de nouveau. Elle n'a pas besoin de me remercier, je veux continuer de croire que quelqu'un se serait arrêté si ça n'avait pas été moi, que l'Homme peut faire preuve d'une bonté désintéressée... ça aurait pu arriver à n'importe qui ; il ne s'agit pas tant de bonté que d'empathie, à ce stade. N'importe qui aurait aimé être aidé dans une situation similaire, et j'ose croire que certaines personnes en ont encore conscience et savent prendre de leur temps pour intervenir.

En tout cas, je suis contente de l'avoir fait pour Kim. Certes, je ne la connais pas, mais ça n'a pas la moindre importance. J'ai connu la peur et l'angoisse ; c'est suffisant pour intervenir, pour aider, pour ne pas laisser quelqu'un – d'autant plus quelqu'un qui paraît si jeune sous son maquillage – dans une telle situation de détresse. Je crois que c'est juste être humain que de prendre quelques minutes de son temps pour rassurer quelqu'un d'autre. « Tu n'as pas besoin d'être désolée. » lui dis-je alors, en venant m'assoir à côté d'elle. « Ça arrive à tout le monde, je suis contente d'avoir été là pour t'aider. » Je fouille dans mon sac pour en ressortir un paquet de mouchoir que je lui tends. « Est-ce que tu as besoin que je reste avec toi encore un peu ? Ça ne me dérange vraiment pas, de toute façon je n'aimais pas trop ce musée, moi non plus. » J'ignore totalement mon envie d'aller aux toilettes qui est toujours présente. À cet instant, et comme souvent, mes propres besoins sont secondaires fassent à ceux d'autrui.

« J'ai un peu d'eau avec moi, si tu as soif. Parfois, ça aide un peu de boire quelque chose. » Je me rends compte que ma voix est encore plus douce que d'habitude, je parle presque à voix basse pour ne pas la submerger d'informations et lui laisser le temps de reprendre ses esprits. « Est-ce que tu veux appeler quelqu'un pour qu'on vienne te chercher ? » Elle doit bien avoir des parents ou des amis qui peuvent prendre du temps pour être avec elle et la rassurer, non ? Si ça ne me dérange pas le moins du monde de rester avec elle, je ne veux pas en devenir intrusive ou lui imposer ma présence. Même si dangereuse n'est définitivement pas un adjectif qui pourrait me qualifier, je reste conscience que l'on peut vite confondre gentillesse et intérêt, et je ne voudrais pas être la cause d'une nouvelle angoisse pour cette jeune femme.  

Qu’est-ce qu’elle honte, là… son maquillage a du couler, et en frottant ses yeux, elle doit avoir gagné une tête immonde.. non pas que là elle tienne grandement à son apparence, mais… si, un peu quand même. À croire que sa barrière s’est effondrée avec sa crise d’angoisse. Et en reprenant ses esprits, elle voit enfin la femme qui a passé ces dernières minutes avec elle.

Une femme plus âgée.. Une brune, très jolie, et surtout souriante. Elle a l’air rassurée, et ça aide beaucoup Kimberley à rester calme, et à continuer de prendre conscience de ce qui s’est passé. Même quand elle dit être désolée, elle continue de ne pas la juger. Incroyable, une femme comme ça. Puis ses mots… Contente d’avoir aidé ? Qui est content d’aider ? Habituellement, Kim voit plutôt des personnes ayant hâte de partir après avoir apporté un minimum d’aide.

- Vous êtes réelle ?

Un sourire, une tentative d’humour, mais au final… elle le pense. Pendant une fraction de seconde, elle s’imagine être morte à son tour, et avoir rencontré un ange qui l’aiderait à passer la porte du paradis ? En tout cas, elle attrape le paquet de mouchoir, et en prend deux. Un pour ses larmes, l’autre pour essayer de récupérer un visage potable. Et quand elle se propose de rester un peu, elle hoche la tête. C’est difficile de l’admettre mais oui… Kimmie n’est pas prête à rester seule, là.

En même temps, qui peut aimer ce musée ? Ça parait être beaucoup trop glauque pour être supportable. Mais hors de question d’y repenser, et de retourner dans un état comme elle l’a été.

- Non merci, j’ai… comme une boule là, j’arriverai pas à boire.

Rien que là, l’idée de boire lui donne envie de vomir. Elle grimace, et regarde son téléphone. Appeler quelqu’un ? Oui, ça semble être le mieux, mais… Qui ? Son père ? @Peter L. Michaels se déplacera pour une simple crise d’angoisse ?

- J’vais envoyer un message à mon père. Mais j’préfère pas trop compter dessus

Après tout… Même si leur relation semble prendre un nouveau tournant, elle n’a pas entièrement confiance dans le fait qu’il pourrait quitter un rendez vous de travail pour elle, par exemple. En attendant, elle sait que la jeune femme restera. Et c’est étrangement rassurant.

- … Si vous n’aimez pas le musée, pourquoi vous y êtes allé ?

Son coeur se calme un peu.

Elle ne réalise pas toujours l'effet qu'elle peut avoir sur les autres, ce petit truc qui la rend parfois si unique. Pour elle, aider est aussi naturel que de respirer, elle le fait sans y réfléchir, sans se poser la question, sans même se demander si quelqu'un serait prêt à faire la même chose pour elle. Elle agit juste de la façon qu'elle juge la plus appropriée, peu importe qui se trouve face à elle ; elle l'a toujours fait, même face aux personnes qui ne le méritaient parfois pas. Quelque part, c'est probablement sa plus grande force, quoi que puissent en dire certaines personnes. Sa force, parce qu'elle est heureuse en faisant ce qu'elle fait, parce qu'elle ne cherche ni la gloire, ni les remerciements, mais juste à vivre des instants bienveillants aux côtés d'autres êtres humains. C'est probablement ce qui a le plus d'importance à ses yeux. Alors, non, elle ne va pas juger la jeune femme qui se trouve à ses côtés, qu'importe à quel point son maquillage a pu couler ou combien elle a pu paraître vulnérable. Juger une personne qui a vécu quelque chose d'aussi bouleversant ne lui ressemble pas. Mais elle rit légèrement à la question de Kim, amusée et heureuse de voir ce sourire venir tirer les traits de la plus jeune. "Je crois, oui. Enfin, il parait." répond-t-elle à sa question, en essayant elle aussi d'y mettre une petite touche d'humour.

Lorana acquiesce par la suite, n'insiste pas avec sa bouteille d'eau. Tout ce qui lui importe, c'est de sentir que la demoiselle commence à aller un peu mieux. Elle profite d'ailleurs que Kim essuie son visage pour sortir son téléphone et tapoter rapidement un message pour sa sœur, restée à l'intérieur. La réponse de la blondinette, elle, provoque chez Lora une véritable envie de froncer le nez. Envie qu'elle réprime, en essayant de rester fidèle à sa volonté de ne pas être dans le jugement. Des situations familiales complexes, des liens branlants, elle en voit tous les jours, mais ça lui serre toujours autant le cœur. Elle ne pourra jamais comprendre pourquoi certains parents ne sont pas capables d'aimer et de prendre inconditionnellement soin de leurs enfants. Elle a beau voir des jeunes mis à la rue pour des raisons dérisoires, elle continue de ne pas comprendre la logique derrière l'acte. Heureusement, la question de la plus jeune sort la plus âgée de ses pensées. "Pour faire plaisir à ma petite sœur et entre nous, c'était un vrai traquenard." Ce qui est la vérité, d'ailleurs, même si Lora ponctue sa phrase d'un léger rire. Sans Rovena, jamais la brune n'aurait mis les pieds dans ce temple du glauque et de l'absurde. "Elle trouvait le concept hyper cool, mais je ne suis pas tout à fait..." La phrase meurt dans sa gorge face au téléphone de Kim qui se met à sonner.

Kim s'excuse et prend l'appel. Lora entend malgré elle une partie de la conversation et fronce un peu le nez. Loin d’elle l’idée de juger des méthodes éducatives, mais pour le coup, elle remet en question le choix de l’autorité aveugle et sourde du père de Kim. La relation a l’air clairement tendue entre eux, mais elle n’intervient pas, apprenant dans le même temps que Kim s’est fait suivre avant de se retrouver dans ce musée. Et puis, finalement, jeune fille lui donne le téléphone et Lora l’attrape tout en attrapant la main de Kim pour essayer de la rassurer. "Allô ? Bonjour, je m’appelle Lorana Ahmeti, nous nous trouvons devant le Musée de la Mort. Votre fille vient de traverser un moment très angoissant et a fait une crise d’angoisse assez importante. Elle aurait besoin que vous puissiez venir la chercher, ou à défaut, j’aurais besoin de votre autorisation pour la ramener moi-même." Les mots viennent naturellement ; elle puise dans son professionnalisme, dans ce qu'elle a l'habitude de faire au quotidien. Elle a l'impression d'avoir déjà fait ça un milliard de fois ; devenir le lien entre un parent et son enfant, dans certaines situations, est loin d'être un nouvel exercice pour elle, malheureusement. Elle n'a pas envie d'argumenter davantage, pas alors qu'elle sent Kim se tendre de nouveau. Elle ne tique même pas sur la manière dont le père de la jeune fille écorche son nom - Ahmeti ou Amélie, quelle importance dans cette situation ? - tant que le message est passé de la bonne façon. Elle n'a d'ailleurs pas vraiment le temps d'ajouter quoi que ce soit que l'appel est terminé. Drôle de façon de s'inquiéter pour son enfant, pense-t-elle, avant de tenter de réprimer cette pensée.

"Ton père accepte que je te ramène. Est-ce que toi, tu es d'accord ?" Oui, c'est important que Kim puisse aussi donner son avis et son approbation, qu'elle ait son mot à dire sur la situation. Lorana n'a pas seulement besoin de l'approbation de l'homme qui a visiblement mieux à faire que de venir chercher sa fille, cette même fille qui s'est fait suivre et qui a fait une crise d'angoisse dans un lieu public... Elle s'en veut d'avoir ces quelques pensées, bien sûr, mais elle en veut d'autant plus à ce père qui n'a pas su rassurer sa fille. Parce que c'est inconcevable, pour elle. Inconcevable que l'on puisse faire passer quoi que ce soit avant son enfant et sa sécurité. "Ceux qui t'ont suivie ne t'ont pas fait de mal, hein ?" Cette question aussi est importante, et tout en Lorana semble crier à Kim qu'elle est prête à la croire, quoi qu'il se soit passé.

Le message est envoyé. Il est clair, net, précis, et la jeune femme ne veut pas dire tout ce qui s’est passé exactement. Non seulement parce que par message, ce n’est clairement pas fou pour expliquer ce genre de situation, mais aussi un peu pour voir comment va réagir Peter. Est-ce qu’il va se proposer sans rien dire ? Est-ce qu’il va demander des explicitons ? L’avenir nous le dira. En attendant, elle tient son téléphone dans la main, alors qu’elle tente de changer de sujet.

Elle l’écoute avec attention, bien que la raison ne l’intéresse pas trop, au final. Elle ne veut pas non plus l’ignorer, juste… parler de ce musée… Au moins elle ne se sentait pas si folle d’avoir paniqué dedans, et d’apprendre que ce n’est pas son kiffe non plus. Kimberley culpabilise même un peu d’avoir empêché la sortie des deux soeurs… Mais d’un autre côté, elle ne pourra pas remercier suffisamment Lorana de l’avoir aidé, là.

La réponse de Lorana est coupée par sa sonnerie de téléphone, et d’un regard, Kim voit qu’il s’agit de son père. Elle s’excuse, puis prend l’appel… à tort. La voix de son père, froide, d’un calme qui annonce sa colère, et… Même si Kimberley se sent femme du haut de son jeune âge, là elle n’y arrive pas. C’est Kimmie, la petite fille, à l’autre bout du téléphone. Elle tente, tant bien que mal, d’expliquer mais rien qu’à relater les faits, l’emotion lui tort les boyaux, et donne le relai à Lorana.

Décidément, heureusement qu’elle est tombée sur son chemin. Là, pour elle, il s’agit d’un ange tombé du ciel. Elle écoute distraitement la conversation, étonnée de l’aisance de son ange gardien, tournant la tête pour entendre la potentielle réponse de Peter, qu’elle entend au travers du téléphone. Il ne va quand même pas la laisser rentrer avec une inconnue, si ?

Et bien si.

- … J’ai pas envie de rentrer, là…

Et puis quoi encore ? Malgré ce qu’elle lui a dit, il ne va pas se déplacer ? Rien qu’à y penser, les larmes lui remontent. Mais comme d’habitude, Kimberley fait la fière, et balaye les larmes d’un mouvement de bras. Malgré tout, elle était déçue. Qu’il ne vienne pas, qu’il s’en foute.

- J’vais aller chez une copine, ou… Je ne sais pas.

Elle aurait bien demandé si elle pouvait rester chez elle, ne serait-ce qu’une nuit, mais…. C’est étrange, non ? Puis sa soeur, qui l’attend à l’intérieur… C’est égoïste de lui prendre encore du temps.

- Non, j’ai été plus rapide qu’eux en entrant dans le musée… J’me suis pas rendu compte d’où j’allais, mais c’était mieux ça que de rester dehors.

Au moins, à ce niveau là, ça va

- Vous pouvez retourner avec votre soeur si vous voulez… C’est déjà gentil d’avoir fait tout ça pour moi… j’sais pas comment vous remercier

Bien sûr qu'elle n'a pas envie de rentrer. Je souris doucement, je comprends sa réaction. Son père vient littéralement de l'abandonner à son sort, et même si j'ai perçu une pointe d’inquiétude dans la voix dure de son paternel, je ne peux que comprendre la réaction de la petite blonde à mes côtés. J'aimerais lui dire que ça passera, que c'est difficile de se comprendre parfois, que les parents – et les adultes en général – ne sont pas tout à fait sur le même tempo que les plus jeunes. Mais je ne crois pas que ça l'aiderait, à cet instant, que je joue à la travailleuse sociale. Je ne peux pas me vanter de savoir exactement ce dont elle a besoin ou non à cet instant précis, mais je crois qu'être écoutée vient en première position.

Je m'inquiète, forcément, en apprenant qu'elle a été suivie. Je n'imagine pas vraiment finir cette journée au poste de police pour l'accompagner à porter plainte, et je suis soulagée d'apprendre qu'il ne lui ai rien arrivé de plus que cette crise d'angoisse. J'aimerais vraiment pouvoir dire que les rues sont sûres, que les femmes peuvent s'y promener en toute sécurité, mais ce n'est pas la réalité. J'accompagne assez de jeunes femmes à la rue pour savoir ce qui peut arriver lorsque tout le monde fait semblant de ne rien voir. Ça m'aurait retournée qu'il soit arrivé quelque chose comme ça à Kim, peut-être parce que je vois la petite fille derrière ce maquillage et ces vêtements de femme. Je ne la prends pas pour une enfant, bien sûr, mais il y a quelque chose de juvénile chez elle, malgré ce que son apparence laisse à penser.

« Tu n'as pas à me remercier de quoi que ce soit. » affirmé-je alors. « Et entre nous, je crois que ma sœur est plus intéressée par le palmarès des serial killers que par ma présence, sur ce coup. Et moi, je préfère être ici. » Je serai incapable de laisser Kim toute seule après tous ces bouleversements, de toute façon, même si Rovena me suppliait de revenir. Ma sœur est une femme adulte qui s'éclate probablement comme une enfant dans ce musée, elle n'a clairement pas besoin de moi pour ça. Et des occasions de se faire des après-midis entre sœurs ne manquent pas. « Je peux te raccompagner chez ton amie, si tu sais chez qui tu veux aller. » Je ne suis pas sûre que ça soit la meilleure des idées à cet instant, ça risque de compliquer encore un peu plus les liens entre cette jeune femme et son père. Et en même temps, je ne vais pas la trainer de force jusqu'au pas de sa porte. « Ou on peut aller manger une gaufre, il y en a de très bonnes à quelques rues d'ici ! »

Elle n'avait pas l'air particulièrement sûre non plus de vouloir aller chez une amie, alors je lui tends cette perche.

Encore une fois, la figure paternelle de Kimberley se montre des plus décevante… Bien entendu, Kimberley savait qu’il n’était pas le père de l’année, loin de là, mais elle pensait naïvement que pour les choses vraiment importantes, il se montrerait présent. Mais maintenant qu’elle venait de faire face au « non » de son paternel, une question hantait son esprit : qu’est-ce qui est « vraiment important » pour lui ?

Pendant un instant, l’esprit de la jeune femme divergea vers des situations bien plus grave.. Si Kimmie se retrouvait en garde à vue, est-ce qu’il viendrait la chercher ? Et si elle se mettait à passer ses journées dans une cave à fumer des joints en écoutant de la musique métal, en combien de temps Peter se rendrait compte que quelque chose ne va pas ?

- J’y ai pas réellement réfléchis… et j’ai prévenu personne, pour l’instant

Est-ce que Kimmie a réellement envie d’aller chez une copine là ? Pas réellement, surtout que Nastasia va vouloir qu’elle lui raconte l’histoire, et elle n’en a pas encore la force. Et elle n’a pas non plus le recul nécessaire pour ça. Alors Kimberley hausse les épaules, et comme si Lorana semblait lire dans ses pensées, son ange gardien ouvre la bouche pour lui proposer une gaufre.

- … Oui, ça me tente bien

La vérité, c’est qu’elle n’a pas très faim, mais qu’elle donnerait n’importe quoi pour ne pas rentrer chez elle, et pour ne pas rester toute seule. Elle se retient d’encore une fois la remercier, mais… à la place, elle se penche un peu vers elle, et la serre dans ses bras. Moment irréaliste, entre une femme et une enfant, qui ne se connaissaient pas il y a une demie heure. Et pourtant, cette étreinte rassure la jeune étudiante, une sensation qu’elle n’a pas ressenti depuis un moment.

Reprenant ses esprits, elle se sépare de Lorana, et se relève, doucement. Le plus dur semble derrière elle, mais elle ne veut pas aller trop vite non plus. Alors elle remet son sac à main sur son épaule, et suit la jolie brune, direction les gaufres super bonnes.

- … Tu as des enfants ?

Kimberley tourne la tête vers elle, avec un petit sourire.

- Désolé si c’est intime, c’est juste que… je trouve que tu as un naturel rassurant et maternel… Donc je me posais la question.

Je ne crois vraiment pas que Kim ai envie d'aller chez une amie. Je ne sais pas plus si elle veut rester avec moi, d'ailleurs, mais je ne peux pas m'empêcher de sourire en l'entendant accepter ma proposition. Et je ne m'attends pas à me retrouver avec la petite blonde dans les bras. Machinalement, les miens l'entourent, attitude naturellement protectrice que je ne remarque qu'à peine. Je la laisse prendre le temps dont elle a besoin, les contacts physiques ne m'ont jamais dérangée ; encore moins alors que j'ai l'impression qu'elle s'apaise un peu contre moi. Elle s'écarte, se relève et j'en fais de même en époussetant un peu ma veste, et en route pour les meilleures gaufres de la ville !

Je l'aime bien, cette gamine. Elle me rappelle l'un de mes suivis, à l'association. Une petite d'à peine dix-huit ans, blessée par des rapports compliqués avec ses parents, qui essaie de grandir plus vite qu'elle ne le devrait. Une jeune femme touchante, à bien des égards, qui commence à s'ouvrir un peu plus à chacun de nos rendez-vous. Leurs situations doivent probablement être tout à fait différentes, et en même temps je retrouve cette même petite flamme, cette même façon de se maquiller, presque cette même façon de s'habiller. Même leurs sacs à main se ressemblent – quoi que je devine que l'une a bien plus de moyens que l'autre. La voix de Kim me sort de mes quelques pensées, et je dois dire que je ne m'attendais pas à cette question. Elle ne me gêne pas non plus, d'ailleurs ; disons que ça m'amuse qu'elle puisse penser que je suis déjà mère.

Alors je ris légèrement en secouant la tête. « Non, mais j'ai beaucoup de frères et sœurs, et je suis l'ainée. » confié-je. « Et je travaille avec des jeunes, qui ont à peu près la vingtaine, alors j'imagine que c'est une sorte de déformation professionnelle. Ça doit être pas loin de ton âge, non ? » Petite façon détournée de mener mon enquête. Je ne pense pas qu'elle soit déjà dans sa vingtaine, mais je ne sais pas non plus si elle me dira la vérité. « En tout cas, j'aimerais bien avoir des enfants un jour. Et toi ? Tu as envie d'en avoir ? » Je ne peux pas complètement arrêter d'être travailleuse sociale. Parler d'enfants, c'est aussi possiblement parler de parentalité et j'avoue être curieuse d'entrevoir ce qui se cache derrière la relation que Kim a avec son père. Je n'en reviens toujours pas qu'il n'ai pas jugé bon de se déplacer lui-même pour venir chercher sa fille. Je pourrais être n'importe qui.

Mais heureusement pour Kim, je ne suis que Lorana. Et me voilà à pousser la porte d'un petit commerce à la devanture rose. L'odeur de la pâte à gaufre, du sucre et de la pâte à tartiner a envahit les lieux, et je me retrouve comme une enfant moi-même à attendre avec un grand sourire mon tour dans la file d'attente. « Je te conseille vraiment, vraiment, la triple chocolat, si tu aimes le chocolat bien sûr. Ils font un coulis de chocolat blanc à tomber. » Allez, soufflons un peu, l'épreuve est derrière nous maintenant. Et cette jeune femme a le droit d'apprécier ce qui reste encore de cette journée.

Kimberley n’est pas une jeune femme qui se laisse facilement aller à ses émotions. Plutôt du genre à faire la grande, elle ne peut pas nier avoir besoin d’amour, d’attention, et de considération. Et le plus triste dans l’histoire est que cette inconnu lui a beaucoup plus apporté sur la préservation de sa santé affective… beaucoup plus que sa propre famille. Et après, ses parents s’appellent pour se demander pourquoi est-ce qu’elle passe son temps à sortir et ne se met pas à fond dans les études. De l’attention, elle en cherche… et en trouve. N’en déplaise à ses géniteurs.

Mais pour éviter de penser, elle finit par engager la discussion, pour parler de tout sauf de ce qui vient de se passer. Est-ce qu’elle a des enfants ? Est-ce qu’une fille a déjà profité de cet élan de bonté qui émane de la jolie brune ? Après, on dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés… mais elle a du mal à croire qu’elle puisse être une mauvaise mère. Elle en rit, sa question ne semble pas être mal interprétée, ce qui la rassure encore un peu plus. Une aura de paix qui semble l’entourer, au fur et à mesure que le temps passe.

- Oui, à peu près. Mais oui, ça explique que tu parles bien…

Elle sourit, et se met à penser à sa vie, quand elle lui demande si elle veut des enfants. Malgré tout, elle a du mal à se voir mère, et d’imaginer un bébé qui puisse avoir une bonne santé. Elle aurait bien trop peur de le perdre, comme ses parents ont perdus Adrian.

- J’en sais rien… Je suppose que la question se posera quand j’aurai une relation sérieuse. Mais là, comme ça, pas spécialement. Ça a l’air compliqué d’être parent, et je ne veux pas prendre ça à la légère.

Boutique girly, ça plait beaucoup à Kimberley… Une part d’elle se dit qu’elle ferait sûrement une belle photo Instagram, ce qui lui fait réaliser que oui, elle va mieux. L’odeur est agréable, réconfortante, et il ne lui faut pas longtemps pour que l’appel de la gourmandise de l’appelle, malgré son manque d’appétit.

- J’vais te faire confiance, et prendre la triple chocolat !

Tant pis pour le régime, après ce qu’il vient de se passer, elle ne veut pas se prendre la tête, et profiter des choses cool et simples de la vie. Une fois leur tour arrivé, Kimberley donne sa commande, attend que Lorana le fasse aussi, et dégaine sa carte bleue rapidement pour payer le tout en sans contact. Un sourire envers Lorana.

- Je peux bien faire au moins ça… Enfin, non. C’est mon père qui paye, en soit, au moins il aura servi à quelque chose d’utile, là.

Rangeant la carte, elle sourit à la vendeuse, et attend la commande avant d’aller s’assoir sur une banquette tout aussi rose que la devanture.

- Rien n’est plus réconfortant que le chocolat, c’est pas qu’une légende. En tout cas, merci pour l’adresse, et… bon appétit ?