tw: ptsd
Si tous les chemins mènent à Rome, pour un certain détective du LAPD, ils font tous escale par Chinatown. Le détective vit localement depuis si longtemps qu'il se sent comme adopté par ce coin de ville, réputé pour ses décorations rouge et or et ses parfums particulièrement captivants. L'immeuble dans lequel le californien se trouve actuellement n'est cependant pas des plus inspirants: un bâtiment en béton, aussi neutre que son âme, aussi froid que son coeur.
« Adam? Adam. »
Son attention se reporte sur la dame qui tente de l'interpeller depuis plusieurs instants.
« P... Pardon? » finit-il par demander.
« La parole est à toi, Adam. » La voix de la gérante de session est neutre, calme, composée. Dans son discours, Adam ressent une pointe de compassion, deux cuillères à soupe d'empathie et trois cent grammes de bienveillance. Un cocktail qui l'agace. Le brun préfèrerait amplement un verre de whiskey à cette session de thérapie de groupe imposée. Malheureusement, le prix à payer pour son insuffisance était bien élevé: parce qu'il n'avait pas su être assez solide, assez « fort », le voilà contraint de prouver son endurance psychologique à ses supérieurs... Tout du moins, s'il désirait pouvoir poursuivre une carrière au LAPD. Les choses ne lui avaient pas été exprimées aussi explicitement, mais le quadragénaire était assez fin pour savoir lire entre les lignes.
« Oh, pardon. » finit-il par souffler. La gérante le regarde d'un oeil aussi insistant qu'il se veut encourageant, alors que le détective ausculte la salle comme un médecin ausculterait ses patients. Mais là où d'autres verraient des visages, il ne voit que des spectres, sans consistance ni traits. Il ne parvient pas à assigner une humanité à ces autres « survivants », comme on les appelle, un terme qui lui sied aussi bien qu'il lui est insupportable. C'est un mécanisme de défense, pour le californien, qui ne peut pas se résoudre à accepter qu'il ne soit pas normal, ou qu'il y ait quoi que ce soit d'inhabituel dans son comportement. Toute cette masquerade lui est hautement déshumanisante. Sa coopération est une affirmation indéniable de son amour pour sa carrière.
« Je... » Le détective inspire profondément. « Je m'appelle Adam, et je souffre... Et je souffre de... Pardon. » Il prend un nouveau souffle, sous le regard encourageant de madame. Un regard qui lui donne envie de lui couvrir le visage d'un sac en papier tant il se sent observé, dévisagé, disséqué, décortiqué. « Je m'appelle Adam, et je souffre de PTSD. » finit-il par affirmer, le coeur lourd, le regard épais. Ses yeux se dirigent vers ses pieds, alors que l'accueil résonne à travers la salle.
« Bonjour, Adam. »
Une kyrielle de voix, cacophonie harmonieuse, mélodie horripilante. Le brun inspire profondément une dernière fois, pour s'armer de courage. Confesser ainsi ses pensées intimes ne lui vient pas naturellement. Il trouve l'exercice particulièrement narcissique, témoignant d'un exhibitionnisme qui ne lui sied pas au teint, l'emplissant d'un mal-être plus viscéral que les troubles qui menacent sa lucidité.
« ... J'ai fait un cauchemar, encore, hier soir. » Silence. « Enfin... « Un cauchemar. » C'était le même que la dernière fois. Le même qu'à chaque fois. » Nouveau silence. Il se mord la lèvre, le regard toujours rivé vers le sol. « Certains détails changent, parfois. Ma chemise. La couleur du plafond. Le décor. La trame. Mais dans l'essence, c'est toujours le même cauchemar. Toujours la même situation. Il y a une menace, et je ne peux rien y faire. Je fais de mon mieux, pour résoudre la situation. J'échoue. Puis je me réveille. » Il minimise, volontairement, les descriptions. Il ne veut pas parler des coups de feux, des balles réelles vécues, en personne, témoignées de ses propres yeux. De cette balle qui lui avait transpercé l'épaule, quelques années plus tôt, et de la douleur fantôme qui subsiste, alors que ses médecins lui affirment que sa rémission est complète. Il ne veut pas parler de ce cauchemar terrifiant, où Eve, la belle Eve, se transforme en spectre cadavérique sous ses yeux. Alors il s'en tient aux essentiels.
« Merci, Adam. Nous te voyons, et nous te soutenons. »
« Nous te voyons, et nous te soutenons. »
Ce qu'il ne ferait pas pour une cigarette, là, tout de suite.
« Ludmilla? C'est à toi. »
Ses pensées se perdent de nouveau. Il tente d'être ailleurs, n'importe où, mais pas ici. La session prend finalement fin. Le détective, perdu dans ses pensées, est parmi les derniers à se relever, déterminé à se récompenser pour cette expérience humiliante en faisant un tour à son traiteur chinois local favori.
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@Zusman Feld
Si tous les chemins mènent à Rome, pour un certain détective du LAPD, ils font tous escale par Chinatown. Le détective vit localement depuis si longtemps qu'il se sent comme adopté par ce coin de ville, réputé pour ses décorations rouge et or et ses parfums particulièrement captivants. L'immeuble dans lequel le californien se trouve actuellement n'est cependant pas des plus inspirants: un bâtiment en béton, aussi neutre que son âme, aussi froid que son coeur.
« Adam? Adam. »
Son attention se reporte sur la dame qui tente de l'interpeller depuis plusieurs instants.
« P... Pardon? » finit-il par demander.
« La parole est à toi, Adam. » La voix de la gérante de session est neutre, calme, composée. Dans son discours, Adam ressent une pointe de compassion, deux cuillères à soupe d'empathie et trois cent grammes de bienveillance. Un cocktail qui l'agace. Le brun préfèrerait amplement un verre de whiskey à cette session de thérapie de groupe imposée. Malheureusement, le prix à payer pour son insuffisance était bien élevé: parce qu'il n'avait pas su être assez solide, assez « fort », le voilà contraint de prouver son endurance psychologique à ses supérieurs... Tout du moins, s'il désirait pouvoir poursuivre une carrière au LAPD. Les choses ne lui avaient pas été exprimées aussi explicitement, mais le quadragénaire était assez fin pour savoir lire entre les lignes.
« Oh, pardon. » finit-il par souffler. La gérante le regarde d'un oeil aussi insistant qu'il se veut encourageant, alors que le détective ausculte la salle comme un médecin ausculterait ses patients. Mais là où d'autres verraient des visages, il ne voit que des spectres, sans consistance ni traits. Il ne parvient pas à assigner une humanité à ces autres « survivants », comme on les appelle, un terme qui lui sied aussi bien qu'il lui est insupportable. C'est un mécanisme de défense, pour le californien, qui ne peut pas se résoudre à accepter qu'il ne soit pas normal, ou qu'il y ait quoi que ce soit d'inhabituel dans son comportement. Toute cette masquerade lui est hautement déshumanisante. Sa coopération est une affirmation indéniable de son amour pour sa carrière.
« Je... » Le détective inspire profondément. « Je m'appelle Adam, et je souffre... Et je souffre de... Pardon. » Il prend un nouveau souffle, sous le regard encourageant de madame. Un regard qui lui donne envie de lui couvrir le visage d'un sac en papier tant il se sent observé, dévisagé, disséqué, décortiqué. « Je m'appelle Adam, et je souffre de PTSD. » finit-il par affirmer, le coeur lourd, le regard épais. Ses yeux se dirigent vers ses pieds, alors que l'accueil résonne à travers la salle.
« Bonjour, Adam. »
Une kyrielle de voix, cacophonie harmonieuse, mélodie horripilante. Le brun inspire profondément une dernière fois, pour s'armer de courage. Confesser ainsi ses pensées intimes ne lui vient pas naturellement. Il trouve l'exercice particulièrement narcissique, témoignant d'un exhibitionnisme qui ne lui sied pas au teint, l'emplissant d'un mal-être plus viscéral que les troubles qui menacent sa lucidité.
« ... J'ai fait un cauchemar, encore, hier soir. » Silence. « Enfin... « Un cauchemar. » C'était le même que la dernière fois. Le même qu'à chaque fois. » Nouveau silence. Il se mord la lèvre, le regard toujours rivé vers le sol. « Certains détails changent, parfois. Ma chemise. La couleur du plafond. Le décor. La trame. Mais dans l'essence, c'est toujours le même cauchemar. Toujours la même situation. Il y a une menace, et je ne peux rien y faire. Je fais de mon mieux, pour résoudre la situation. J'échoue. Puis je me réveille. » Il minimise, volontairement, les descriptions. Il ne veut pas parler des coups de feux, des balles réelles vécues, en personne, témoignées de ses propres yeux. De cette balle qui lui avait transpercé l'épaule, quelques années plus tôt, et de la douleur fantôme qui subsiste, alors que ses médecins lui affirment que sa rémission est complète. Il ne veut pas parler de ce cauchemar terrifiant, où Eve, la belle Eve, se transforme en spectre cadavérique sous ses yeux. Alors il s'en tient aux essentiels.
« Merci, Adam. Nous te voyons, et nous te soutenons. »
« Nous te voyons, et nous te soutenons. »
Ce qu'il ne ferait pas pour une cigarette, là, tout de suite.
« Ludmilla? C'est à toi. »
Ses pensées se perdent de nouveau. Il tente d'être ailleurs, n'importe où, mais pas ici. La session prend finalement fin. Le détective, perdu dans ses pensées, est parmi les derniers à se relever, déterminé à se récompenser pour cette expérience humiliante en faisant un tour à son traiteur chinois local favori.
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@Zusman Feld
All the things you do
And the way you move
Send me straight to heaven.