FIGHT CLUB - Milo

Donner des cours d’auto-défense ? Pas mon genre. Mais suite à ma fuite, il faut bien que je renfloue mon compte en banque alors je fais une exception avec toi. Et puis, t’es pas du genre princesse en détresse à taper des crises parce que tu t’es cassé un ongle alors on va dire que ça ne me fait plus autant chier de fermer le shop plus tôt que venir t’entraîner.

Maintenant que tu connais les principaux mouvements pour te mettre en sécurité en cas d’agression et que tu sais tenir une arme correctement, j’ai décidé de corser un peu le jeu. Je t’ai donné rendez-vous dans un gymnase d’un quartier chaud du Sud ce soir. Mon quartier en fait et d’imaginer ta tête quand tu vas traverser les rues de de cette partie de la ville me colle presque la trique. Appuyé contre le mur extérieur du bâtiment, je t’attends en fumant une clope. Ma tenue est la même que tous les autres soirs, survêtement et t-shirt noir. La tabac entre mes doigts s’est consumé de moitié quand ta voiture fait enfin son apparition.

Ciao, Bella.

J’écrase ma cigarette contre le mur et laisse retomber le mégot dans le cendrier. Tu es détendue, c’est bien. Profites-en parce que ça ne va pas durer.

On va faire un truc un peu différent ce soir. Je veux savoir si tu as bien retenu toutes tes leçons.

Un sourire étire mes lèvres et je prends un malin plaisir à te pousser à l’intérieur du gymnase, une main posée dans le bas de ton dos. Mesure de précaution, je verrouille la porte derrière nous. Personne ne doit pouvoir sortir d’ici. Ou entrer. C’est un petit jeu privé qui va se dérouler entre ces murs. Quand on entre dans l’immense pièce qui accueille des manifestations sportives en temps normal, tu peux apercevoir un espèce de parcours où des palettes de bois ont été assemblées. Je me tourne face à toi et récupère ton sac. Tu n’en auras pas besoin.

Tout ce que tu as à faire ce soir, c’est tenir 30 minutes dans cette pièce. Si tu demandes à sortir alors ce sera notre dernier cours. Prête ?

J’envoi valser tes affaires près du couloir par lequel nous sommes arrivés. Je te vois observer la pièce d’un air dubitatif. Tu as raison de te méfier, ça ne va pas être aussi facile.

Oh, au fait. Je suis venu avec quelques amis.

Des hommes entièrement vêtus de noirs et portant des masques rouge écarlates sortent de derrière les palettes. Carrures athlétiques, muscles exposés à ta vue et postures menaçantes. Je reviens derrière toi, pose mes mains sur tes hanches et me penche pour murmurer à ton oreille.

Rends-moi fière, Bella.

A mes mots, les lumières s’éteignent et le parcours n’est plus éclairé que par des loupiotes de secours de la même couleur que les masques de mes amis qui ont maintenant disparu. Je te donne la première impulsion et lance le chrono sur mon téléphone.

Mes doigts accrochent ton sac pour aller le déposer dans un coin, tu n’en aura pas besoin pendant notre petit exercice. S’entraîner contre moi c’est une chose mais tu dois savoir réagir en situation réelle. Tu dois apprendre à maîtriser ta peur et ton stress qui sont deux éléments qui peuvent t’envoyer au tapis. Les mouvements c’est une chose, les faire contre une vraie cible s’en ai une autre. Je tente de cacher mon sourire en coin mais c’est peine perdu. Appelle-moi sadique mais je prends beaucoup de plaisir à observer ton visage qui se décompose au fur et à mesure que tu prends conscience de ce qui t’attends.

Je ne réponds à aucune de tes questions, te laisse comprendre par toi même qu’il n’y a aucune règle pendant cette chasse à l’homme. Tous les coups sont permis comme dans la vie. Ton agresseur ne retiendra jamais ses coups alors autant en faire l’expérience le plus vite possible pour appréhender au mieux cette situation. Enfin si tu ne décides pas de mettre fin à notre petit arrangement après ce jeu. Je lance le chrono, te pousse légèrement en plaçant une main dans le bas de ton dos et c’est parti.

J’avais peur que tu te figes complètement face au stress mais tu gardes tout de même de bons réflexes. Je te vois observer les modules face à toi et tu décides de grimper le long de la parois du plus haut. Bonne initiative, tu auras une vue sur une partie du parcours de là-haut. Par contre, si tu vois tes agresseurs, eux aussi vont te voir et si tu ne bouges pas très vite, tu vas te retrouver coincée sur ton perchoir. Je passe un bandeau phosphorescent autour de mon bras pour signaler mon statut d’arbitre aux joueurs et je m’avance pour te suivre de loin.

Le premier corps à corps est enclenché et tu arrives à mettre à terre ton premier assaillant. Je passe à côté de l’homme qui grogne de douleur sur le sol en marmonnant un Perdente acide qui le remets illico sur pieds. Je ne les paye pas une petite fortune pour qu’ils se fassent sortir au bout de trois minutes. Je me place en bas de ta tour d’observation et lève le regard vers toi.

Si tu ne leur fais pas mal, eux t’en feront. A toi de voir.

Puis je disparais dans l’ombre et fais un signe de tête à un autre homme pour lui donner le go de lancer un nouvel assaut. Un homme grimpe d’un côté pour te pousser à descendre et un autre t’attends un peu plus loin. Ok, combat à mains nues. On l’a déjà fait, tu sais comment réagir, si ton cerveau est en vrac, ton corps se souvient des mouvements. Laisse le prendre le contrôle.

Ta garde est trop basse mais je me retiens de te faire la réflexion. Tu esquives le premier coup, je hoche la tête d’approbation. C’est bien, continue. Les coups s’enchaînent mais aucun de vous ne touche l’autre. Enfin jusqu’à ce que ton assaillant se jette sur toi et te plaque au sol. Ma langue claque, c’est un coup bas mais tu as dû le gonfler à force d'esquiver. Je me rapproche, tu es clairement en difficulté mais tu as la hargne suffisante pour te défaire de lui. Je te regarde en étant appuyé contre un autre module.

Sers toi de tes jambes !

Ma phrase à l’air de faire tilt dans ta tête et tu comprends ce que je te demande. Tes jambes encerclent la taille de ton adversaire et vos corps basculent. Tu es peut-être plus petite et fine que lui mais tu as la vitesse pour toi. Ton poing percute son nez et ce mouvement te permet de t'enfuir avec de précieuses secondes d’avance. Parfait. Tu t’en sors bien. Très bien même.

Je pourrais nier le fait que cet entraînement un peu spécial ne me procure pas de plaisir. Je pourrais mais je prends bien trop mon pied pour effacer le sourire qui étire mes lèvres. Je pourrais te donner tous les cours que je veux, rien ne pourra remplacer une situation réelle. Et puis, si tu cherchais un prof de sport, tu aurais pris un abonnement dans une salle réputée de Los Angeles. Les connards bodybuildé avec une huître à la place du cerveau, ce n’est pas ce qui manque dans le coin. Avec moi, aucun risque que tu te figes le jour où tu auras besoin de te battre. Et je sais qu’on est pareil sur un point : on recherche l’adrénaline. Avec mon petit exercice du jour, tu vas te prendre le shot de ta vie. J’espère que tu as un bel étalon qui t'attend chez toi parce que ton corps va réclamer une bonne dose d'endorphine si tu arrives à sortir de ce gymnase indemne.

Je te laisse te débrouiller, prononce quelques conseils quand je sens que la panique te fait quitter des yeux ton objectif. Si tu te fais agresser dans la rue, je ne serais pas là pour t’aider alors je limite mes interventions. J’observe de loin pour savoir les prises que nous devons revoir. Et puis, ça m’amuse de voir l'amazone qui est en train de prendre forme dans ce labyrinthe fait de palettes en bois et de tapis en mousse. Tu peux porter des tailleurs de haute couture en journée, tu ne seras jamais un pimbêche pleine aux as sans défense. Merde, ça pourrait presque m’exciter. Presque. Mais t’es pas mon genre et c’est pour ça que notre relation est productive. Rien ne vient perturber nos entraînements.

Ta remarque me fait rire et je me rapproche discrètement pour que tu puisses entendre ma voix sans perdre ta concentration.

C’est pas toi qui fixe les règles, bella.

Je dois reconnaître que tu t’en sors bien. Je reprends mon téléphone dans ma poche et déverrouille l’écran qui illumine pendant un instant mon visage. Deux hommes sont au sol, je les dépasse avec un regard méprisant et quelques insultes qui fusent en italien. Ca peut jouer aux gros bras dans les rues, face à une femme ils ne font pas le poid. Tu viens de mettre un sérieux coup de pied dans leur égo, en plus d’avoir compromis leur chance d’avoir des enfants un jour. En même temps, vu les types que j’ai recrutés, mieux vaut que leur arbre généalogique s’arrête avec eux.

Trois minutes !

Ma voix résonne sur les murs du gymnase et je retourne vers l’entrée. Je te laisse faire un dernier tour de piste, un homme à tes trousses. C’est malin de courir, il faut savoir quand se battre et quand prendre la fuite. A trois minutes de la fin et avec ton état de fatigue, c’est intelligent d’éviter la confrontation. Encore un bon point pour la ragazza ! Quand le bip de mon téléphone sonne la fin de l’entraînement, je rallume les lumières de l’endroit et comme par magie, tout le monde se fige.

Je récupère ta gourde d’eau et attends que tu reviennes vers moi. Les mecs investissent le côté opposé du gymnase pour se désaltérer et changer leurs fringues qui ne sont plus vraiment en état. Pour le moment, impossible de décrypter ton visage. Je ne sais pas si tu vas me gifler ou fondre en larmes, de joie ou de peur. Alors je garde mon sourire en coin et me prépare à arrêter ton coup si besoin.

Félicitations, tu as survécu à ta première chasse à l’homme.

Je lance ta gourde dans ta direction et te lance un regard approbateur.

Alors, verdict ? Qu’est ce que t’as pensé de l'entraînement de ce soir ?

Franchement, je ne pensais pas que tu allais te lancer dans cet exercice. Quand les lumières se sont éteintes, j’étais certain que tu ferais demi-tour pour t’enfuir de ce gymnase en me traitant de malade. Mais tu as été courageuse. Tu as osé te lancer dans cette chasse à l’homme en sachant dès le départ que tu étais la proie face à des prédateurs. Ça en dit beaucoup sur ta personnalité. J’avais déjà capté cette flamme de folie lorsque tu es venu me trouver et c’est sûrement ce qui m’a fait craquer.

Laisse le temps à l’adrénaline de quitter ton corps. C’était une expérience violente mais nécessaire.

Je te fais signe de t'asseoir contre le mur et m’installe à côté de toi.

Il y a une grande différence entre un entraînement en salle et la vie réelle. Je peux t’apprendre des gestes de défense, tu ne sais jamais comment ton corps va réagir dans une situation d’agression.

Je te laisse un peu de temps pour assimiler mes paroles avant de reprendre.

Maintenant, ton corps aura une référence. Ton cerveau aussi. Si ça vient à arriver dans la rue, tu ne sera pas totalement paralysé par l’angoisse parce que tu l'auras déjà vécu. Tu sais ce que ça fait de recevoir un coup, tu sais ce que ça fait d’avoir un homme dangereux face à toi.

Je t’adresse un sourire en coin avant de me relever.

Un parcours du combattant classique n’aurait servi à rien. T’as assuré ce soir, Charlie.

Je te tends une main pour t’aider à te relever.

Maintenant, va te détendre, tu l’as mérité. On reprend les entraînements classiques la semaine prochaine. Même heure, même endroit.

Je vais te laisser souffler quelques semaines avant de te proposer un nouveau défi. Mon but n’est pas de te briser mais de te rendre plus forte. Je ne sais pas si tu t’en rends compte mais tu n’as déjà plus rien à voir avec la Charlie d’il y a un mois. Ma technique est peut-être brutale mais elle fonctionne.

Je te laisse quitter le gymnase et me rend vers les mecs qui m’ont aidé à mettre au point cet exercice. Eux aussi ont dû me perdre pour un cinglé. Je leur file à chacun une belle enveloppe qui comprend leur participation mais aussi le rangement. Aucun d’eux ne proteste, surtout pas après la raclée qu’ils viennent de se prendre. Ça peut faire les malins dans la rue, maintenant on sait tous qu’une nana peut les mettre à terre.

A mon tour de quitter le gymnase et de déjà réfléchir à notre prochain rendez-vous.