Si je voulais me voiler la face, encore une fois, je me demanderais ce que je fais ici - pire, encore, je me dirais que je n'ai rien à faire ici. Et pourtant, je sais que c'est faux. Je sais que s'il y a bien une chose que je fasse, depuis quelques temps, depuis des mois et des mois, même, c'est celle-ci ... Et que cette seule et unique chose, il n'y a qu'un seul endroit où je peux réellement la faire. Cela m'enchante guère, dans la mesure où je n'aime pas m'ouvrir sur ma vie et sur mon passé, mais, hélas, je suis bien contraint de le faire un jour ou l'autre. Quel dommage qu'il n'y ait qu'une seule église assez proche de chez nous pour me servir de confessionnal. Si cela ne tenait qu'à moi, j'aurais préféré me confesser dans une église plus lointaine - une église dans laquelle je n'aurais jamais auparavant mis les pieds, une église où je ne connaîtrais ou ne reconnaîtrais personne ... Une église où je ne risquerais pas de croiser le même chemin qu'Emma. Inspirant profondément, je referme avec fermeté la portière de la voiture avant de la verrouiller. Puis, d'un pas lourd mais certain, j'avance calmement vers ma destination, le fameux confessionnal qui ne peut qu'être ouvert à pareille heure. Il me reconnaîtra, probablement. Il me reconnaîtra parce que ce n'est pas la première fois que je me confesse et que l'on m'a souvent dit que j'ai une voix difficile à oublier. Il me reconnaîtra, et pour une fois, il aura également le luxe de m'entendre lui chanter une toute autre chanson - en effet, ce n'est pas le péché habituel pour lequel je viens demander le pardon, aujourd'hui, mais pour un péché tout autre, tout aussi important en magnitude.